هیلا صدیقی
هنوزم عشق میهن در سرت هست؟
هوا بارانی است و فصل پاییز / گلوی آسمان از بغض لبریز
به سجده آمده ابری كه انگار / شده از داغ تابستانه سرریز
هوای مدرسه ، بوی الفبا / صدای زنگ اول محكم وتیز
جزای خنده های بی مجوز / و شادیها و تفریحات نا چیز
برای نوجوانی های ما بود / فرود خشم و تهمت های یكریز
رسیده اول مهر و درونم / پُر است ازلحظه های خاطرانگیز
كلاس درس خالی مانده از تو / من و گلهای پژمرده سر میز
هوا پاییزی و بارانی ام من / درون خشم خود زندانی ام من
چه فردای خوشی راخواب دیدیم !/ تمام نقشه ها بر آب دیدیم !
چه دورانی چه رویای عبوری !/ چه جستن ها به دنبال ظهوری !
من و تو نسل بی پرواز بودیم / اسیر پنجه های باز بودیم
همان بازی كه با تیغ سرانگشت / به پیش چشمهای من ترا كشت
تمام آرزوها را فنا کرد / دو دست دوستی امان را جدا کرد
تو جام شوكران را سر كشیدی / به ناگه از كنارم پر كشیدی
به دانه دانه اشك مادرانه / به آن اندیشه های جاودانه
به قطره قطره خون عشق سوگند / به سوز سینه های مانده در بند
دلم صد پاره شد بر خاك افتاد / به قلبم از غمت صد چاك افتاد
بگو، بگو آنجا كه رفتی شاد هستی ؟ / در آن سوی حیات آزاد هستی ؟
هوای نوجوانی خاطرت هست ؟ / هنوزم عشق میهن در سرت هست ؟
بگو آنجا كه رفتی هرزه ای نیست؟ / تبر، تقدیر سرو و سبزه ای نیست ؟
كسی دزد شعورت نیست آنجا ؟ / تجاوز به غرورت نیست آنجا ؟
خبر از گورهای بی نشان هست ؟ / صدای ضجه های مادران هست ؟
بخوان همدرد من، همنسل و همراه / بخوان شعر مرا با حسرت و آه
دوباره اول مهر است و پاییز / گلوی آسمان از بغض لبریز
من و میزی كه خالی مانده از تو / و گلهایی كه پژمرده سر میز
Aimes-tu toujours l’Iran
Elégie par Hila Sadighi
Traduction française par Darioush Bayandor
Il est pluvieux, c’est l’automne.
Le ciel déborde, la gorge serrée.
Les nuages sont descendus très bas,
Comme accablés de la chaleur d’été.
C’est la rentrée scolaire, elle est mélancolique,
Pleines des signes évocateurs,
La cour d’école, l’odeur du cahier et la craie,
La sonnerie aiguë de la clochette,
Qui annonce la première classe.
La punition des rigolades interdites,
Et des joies juvéniles sans importance,
Voilà qu’on récolte sans cesse,
Des fureurs et des reproches,
Je sens morose comme le ciel maussade,
Prisonnière à l’intérieur de ma colère,
Je sens seule, assise au côté des fleures fanées,
Car ta place sur le banc, reste vide.
Nos beaux rêves pour demain, hélas chimériques,
Des rêves fugaces pour quelque chose qui ne viendra pas !
Nous étions une génération sans aile,
Prise en proie par des faucons,
Les mêmes qui de leurs griffes tranchantes,
T’ont achevé devant mes yeux.
Tu avalas cette quintessence d’ciguë,
Et tu t’envole soudain aux cieux.
C’est fin des tous rêves, la réveille cauchemaresque,
Mais dis, as-tu retrouvé le bonheur ?
Y a-t-il de liberté de l’autre côté de la vie?
Souviens-tu toujours d’aires d’adolescence ?
Et portes- tu toujours l’amour de la patrie ?
Existe-t-il là-bas des crapules ?
Des canailles qui passent tout par la machette ?
Dis, tente-t-on de te dérober l’esprit ?
Ou te briser l’orgueil ?
Parle-t-on des tombes sans nom ?
Ou la jérémiade des mères en deuil ?
Chante avec moi mon ami, mon compagnons de route,
Vous tous de ma génération qui partagent ce fardeau :
C’est la rentrée et l’automne, une fois de plus.
Le ciel qui déborde, gorge serré.
Et moi avec le banc qui reste vide,
Au côté des fleurs fanées.
Sunday, May 9, 2010
Poetry by Hila Sadiqi; English Adaption
Do you still Love Iran?
A Monody by Hila Sadighi
English Adaption by
Darioush Bayandor
It is raining, autumn is back,
The sky pours down its sorrow,
Clouds bend down, hovering over the roofs,
As if crushed by the summer heat,
September blends with colors of the school.
The odor of chalk and the blackboard,
The shrill sound of the school-bell,
That summons the first class.
Avenging forbidden merriments,
The banal frolics and juvenile joys,
Their anger pierces the air of the classroom,
Their reproach hurled for uncommitted sins.
It’s the melancholic return of the school year,
With its evocative moments and souvenirs,
Your place is empty in the classroom,
And me sitting on a bench with withered flowers.
Like the air of autumn gloomy I feel,
A captive of my angers.
What of the cherished dreams? Chimerical alas they were,
The fleeting moments of ecstasy, at the vertex of hope,
And much ado for what was not to come!
We were birds that could not fly,
Caught in the claws of falcons,
The beasts with malicious talons,
Who finished you, me looking in daze.
You drank the chalice of the hemlock and flew away,
And my heart fell apart and withered.
But tell-me, are you happy at last where you are?
Did you find freedom on the other side of the life?
What of our juvenile passions?
And the love of the land we grew up in?
Do you still love Iran?
Do you still encounter villains?
Thugs, scoundrels and bullies?
Does someone try to rob you of your ken?
Or injure your pride?
Are there traces of unnamed graves?
Or hear you sobs of the mourning mothers?
Sing with me, friend, companion, my soul-mate,
Sing my song with passion and pain.
It’s again the autumn and schools reopen,
And the sky pours down its sorrow,
And there I am with your empty place on the bench,
Feeling lonely, next to withered flowers.
A Monody by Hila Sadighi
English Adaption by
Darioush Bayandor
It is raining, autumn is back,
The sky pours down its sorrow,
Clouds bend down, hovering over the roofs,
As if crushed by the summer heat,
September blends with colors of the school.
The odor of chalk and the blackboard,
The shrill sound of the school-bell,
That summons the first class.
Avenging forbidden merriments,
The banal frolics and juvenile joys,
Their anger pierces the air of the classroom,
Their reproach hurled for uncommitted sins.
It’s the melancholic return of the school year,
With its evocative moments and souvenirs,
Your place is empty in the classroom,
And me sitting on a bench with withered flowers.
Like the air of autumn gloomy I feel,
A captive of my angers.
What of the cherished dreams? Chimerical alas they were,
The fleeting moments of ecstasy, at the vertex of hope,
And much ado for what was not to come!
We were birds that could not fly,
Caught in the claws of falcons,
The beasts with malicious talons,
Who finished you, me looking in daze.
You drank the chalice of the hemlock and flew away,
And my heart fell apart and withered.
But tell-me, are you happy at last where you are?
Did you find freedom on the other side of the life?
What of our juvenile passions?
And the love of the land we grew up in?
Do you still love Iran?
Do you still encounter villains?
Thugs, scoundrels and bullies?
Does someone try to rob you of your ken?
Or injure your pride?
Are there traces of unnamed graves?
Or hear you sobs of the mourning mothers?
Sing with me, friend, companion, my soul-mate,
Sing my song with passion and pain.
It’s again the autumn and schools reopen,
And the sky pours down its sorrow,
And there I am with your empty place on the bench,
Feeling lonely, next to withered flowers.
English and French translations of Saddeq Hedayat commentary on Shiite rites and practices in Iran, mid twentieth century
Contains :
• Sadeq Hedayat et l’Islam ( French)
• نوشتاری از صادق هدايت
• Sadeq Hedayat and Islam (English)
Translations by Darioush Bayandor
Sadeq Hedayat, (Sādeq Hedāyat 1903-1951) l’écrivain iranien le plus connu et admiré de la première moitié du 20ième siècle, dont l’influence littéraire perdure malgré le censure du régime islamiste, tient à son actif une douzaine des œuvres littéraires et des pièces de théâtres ainsi que plusieurs essais dans des domaines forts variés. Intellectuel de gauche et outrageusement laïc et athée, il affichait un mépris profond envers les mullahs et leurs enseignements religieux ainsi que, disons le, à l’égard des préceptes et édits Musulmans. Son aversion envers l’Islam pratiqué par les mullahs en Iran l’amena à commettre des excès du langage, voire des propos abusifs, pas uniquement en décrivant les traits des caractères de ces derniers mais aussi en lamentant l’imposition de cette religion par les Arabes à une civilisation iranienne qu’il estimait largement supérieures. Ainsi commet-il la pêché du chauvinisme d’un parfum racial, sentiments qu’il n’afficha guère hors de ce contexte et qu’il ne possédait probablement pas. Voici la regarde qu’il porte sur Islam et sa pratique en Iran dans des années trente et quarante. A noter que sa représentation de l’état pitoyable des Musulmans pieux à l’époque est largement obsolète du fait de la bienveillance sans faille, dans ces trente dernières années, de la part des autorités iraniennes envers tout ce qu’aurait trait aux questions liées au culte.
Nous qui n’avions pas l’habitude d’enterrer vivant nos filles nouveaux- nées ! Nous qui au temps jadis avions connus culture, prospérité et une certain liberté et qui, entre nous, on ne se vantait pas de pauvreté : Nous les avons vus arriver, eux, ils sont venus nous dérober de tout ça. À la place ils nous firent don de misère, pénitence, adulation des morts, pleurnicheries, mendicités, regrets, et obéissance à un dieu perfide et vengeur du même que des consignes pour se nettoyer la fesse aux chiottes. Tout ce qu’ils font est rempli de saleté, ou entaché de bassesse, l’insipidité, l’avarice, la fadeur, la mort et la misère.
Pourquoi ont-ils toujours des traits tristes et l’aires sournoises ? Pourquoi leurs chansons ressemblent- elles aux gémissements ? C’est parce que, des natures geignardes, ils vivent avec le remord et ne font qu’aduler les morts.
A cause de cet Arabe , mangeur des lézards , qui s’est fit tuer il y a plusieurs siècles en cherchant voracement le califat, les êtres vivants doivent se frotter du fumier sur le crâne et pleurnicher. A la mosquée des Musulmans la première chose que te frappe c’est la puanteur des chiottes comme si c’était pour propager leurs foi et séduire les infidèles pour qu’ils viennent prendre goût aux fondements de cette religion. Ensuite ils se lavent mains et pieds sales dans ce crasseux bassin d’eaux et, au rythme du hurlement du Muezzin, se prosternent sur un tapis sale devant leur dieu sanguinaire en chouchoutant des incantations.
Leur ‘fête de sacrifice’ est consacrée au massacre des moutons en semant terreur et saleté et en torturant les bêtes pour le Dieu miséricordieux et clément. Leur dieu judaïque est oppresseur, vindicatif et vengeur ; il décrète sans arrêt des tueries et des pillages, prêt à envoyer, avant le jour dernier, l’imam occulte pour s’occuper d’ ummah dans un tel flot sangs que le cheval de l’Imam s’y pataugent.
En fin de compte, un Musulman pieu c’est quelqu’un qui dans l’illusion des plaisirs charnels ou gourmands dans au-delà, accepte de vivre dans le dénouement et la misère, tout en veillant à la jouissance terrestre des maîtres de la religion. Ces derniers vivent sous l’emprise des morts ; les fidèles d’aujourd’hui sont contraints à obéir aux sinistre canons d’il a ya mille ans, ce dont même les animaux de plus basses espèces sont épargnés.
Au lieu de se consacrer aux questions d’ordres intellectuelles, philosophiques ou artistiques leurs préoccupations quotidiennes consistent à débattre, du matin au soir, du doute sur le nombre de fois à immerger dans l’eau, suite à un orgasme.
La loi islamique est construite autour de nijāssāt (les choses malpropres) ; elle s’effondre si on en découpe l’aine ; ils n’en restent plus grand Xxchose à dire si on en enlève la partie basse du corps humain. Les ulémas seront donc contraints à se disputer pour créer des phrases et des rimes ostentatoires sans contenus dans un arabe guindé pour duper la populace.
Dans n’importe quel territoire qu’ils réussirent à vaincre ils traînèrent les gens dans la misère et disgrâce, malheureuses victimes d’ignorance, préjugé, pauvreté, délation, hypocrisie et rompus au vol et à la servilité… pire léchant le cul des mullahs. Ils ont dégradé ces terres occupées en terrains vagues et déserts.
Mais tout comme la canne de Moise que se transforma en dragon et le fit reculer, ce monstre à septe têtes, lui aussi est en train d’avaler le monde [moyennant la subjugations des hommes]. Cette même pratique de se prosterner cinq fois par jour devant le dieu tout puissant, dont le nom devrait être obligatoirement prononcé en arabe, suffit pour rendre les gens serviles, pitoyables et ignobles.
Que nous ont ils apporté en fin de compte ? Une bouillabaisse dégoûtant de préceptes et d’opinions contradictoires empruntés à des sectes, des religions et des superstitions antérieures, hâtivement -- et sans pouvoir les digérer -- adopté sans homogénéité quelconque, hostile à toutes ingéniosités d’esprit et contraire à toutes sortes de progrès et rayonnement humain, imposés par la force de l’épée.
________________________________________
نوشتاری از صادق هدايت
ما که عادت نداشتیم دخترانمان را زنده به گور کنیم ، ما برای خودمان تمدن وثروت و آزادی و آبادی داشتیم و فقر را فخر نمیدانستیم همه اینها را از ما گرفتند وبجاش فقرو پشیمانی و مرده پرستی و گریه و گدائی و تأسف واطاعت از خدای غدار و قهار و آداب کونشوئی و خلأ رفتن برایمان آوردند ، همه چیزشان آمیخته با کثافت و پستی و سود پرستی و بی ذوقی و مرگ و بدبختی است.
چرا ریختشان غمناک و موذی است و شعرشان چوس ناله است چونکه با ندبه و زوزه و پرستش اموات همه اَش سرو کار دارند
برای عرب سوسمار خوری که چندین صد سال پیش به طمع خلافت ترکیده، زنده ها باید به سرشان لجن بمالند و مرگ و زاری کنند.
... ، در مسجد مسلمانان اولین برخورد با بوی َگند خَلأست که گویا وسیله تبلیغ برای عبادتشان و جلب کفار است تا به اصول این مذهب خو بگیرند. بعد این حوض کثیفیکه دست و پای چرکین خودشان را در آن می شویند و به آهنگ نعره مؤَذن روی زیلوی خاک آلود خودشان دولا و راست میشوند و برای خدای خونخوارشان ِورد و اَفسون میخوانند
... , عید قربان مسلمانان با کشتار گوسفندان و وحشت و کثافت و شکنجه جانوران برای خدای مهربان و بخشایشگر است خدای جهودی آنها قهار و جبار و کین توز است و همه اش دستور کشتن و چاپیدن مردمان را میدهد وپیش از روز رستاخیز حضرت صاحب را میفرستد تا حسابی دَخل اُمتش را بیاورد و آنقدر از آنها قتل عام بکند که تا زانوی اسبش در خون موج بزند
تازه مسلمان مومن کسی است که به امید لذتهای موهوم شهوانی و شکم پرستی آن دنیا با فقر و فلاکت و بدبختی عمر را بسر برد و وسایل عیش و نوش نمایندگان مذهبش را فراهم بیاورد. همه اَش زیر سلطه اَموات زندگی میکنند و مردمان زنده امروز از قواننین شوم هزار سال پیش تبعیت میکنند کاری که پست ترین جانوران نمیکنند.
عوض اینکه به مسائل فکری و فلسفی وهنری بپردازند ، کارشان این است که از صبح تا شام راجع به شک میان دو و سه استعامنه قلیله و کثیره بحث کنند. انگار که پیش از ظهور اسلام نه کسی تولید مثل میکرد و نه سر قدم میرفت . این مذهب برای یک وجب پائین تنه از عقب و جلو ساخته و پرداخته شده
خدا آخرین فرستاده خود را مأمور اصلاح این امور کرده است .
تمام فلسفه اسلام روی نجاسات بنا شده اگر پائین تنه را از آن حدف کنیم اسلام روی هم میغلتد و دیگر مفهومی ندارد. بعد هم علمای این دین مجبورند از صبح تا شام با زبان ساختگی عربی سرو کله بزنند سجع و قافیه های بی معنی و پر طمطرق برای اغفال مردم بسازند ویا تحویل بدهند.
سرتا سر ممالکی را که فتح کردند، مردمش را به خاک سیاه نشاندند و به نکبت و جهل و تعصب و فقر و جا سوسی و دوروئی و دزدی و چاپلوسی و کون آخوند لیسی مبتلا کردند و سرزمینش را به شکل صحرای برهوت در آوردند.
...
اما مثل عصای موسی که مبدل به اژدها شد وخود موسی از آن ترسید این اژدهای هفتاد سر هم دارد این دنیا را می بلعد. همین روزی پنج بار دو لا راست شدن جلو قادر متعال که باید بزبان عربی او را هجی کرد، کافی است تا آدم را تو سری خور و ذلیل و پست و بی همه چیز بار بیاورد
مگر برای ما چه آوردند ؟ معجون دل به هم زنی از آرا و عقاید متضادی که از مذاهب و ادیان و خرافات پیشین ، هول هولکی و هضم نکرده استراق و بی تناسب بهم در آمیخته شده است، دشمن ذوقیات حقیقی آدمی، و احکام آن مخالف با هر گونه ترقی و تعالی اقوام ملل است و به ضرب ششمشیر به مردم زوزچپان کرده اند. یعنی شمشیر بران و کا سۀ گدائی است، یا خراج و جزیه به بیت المال مسلمین بپردازید یا سرتان را میبریم هر چه پول و جواهر داشتیم چاپیدند. آثار هنری ما را از میان بردند و هنوز هم دست بردار نیستند؛ هر جا رفتند همین کار را کردند
Sadeq Hedayat and Islam
(Unedited first draft)
Sadeq Hedayat, (Sādeq Hedāyat 1903-1951) the best known and most respected Iranian writer- novelist of the first half of the 20ièmecentury, whose literary influence endures in spite of a publication ban on his works by the clerical regime in Iran, is credited with a dozen literary works and screenplays as well as several essays in a wide array of topics. A leftist intellectual, furiously secular and atheist, he harbored much scorn for the mullahs and their religious teaching as indeed for the edicts and the precepts of the Shiite Islam. His aversion towards Islam practiced by the mullahs in Iran drove him to use excessive, even abusive language, not just in depicting the character traits of clerics but also in lamenting the Arab imposition of Islam on an Iranian civilization that he clearly deemed superior. There Hedayat sins by displaying chauvinism of a racial variety, sentiments which are absent elsewhere in his writings and which he may have lacked. The text below is his vision of Islam and its practice in Iran during the nineteen thirties and forties, the decades in which he created the bulk of his literary works. To be noted that his depiction of wretchedness and state of disarray besetting the Shiites in Iran is dated in view of unsparing generosity by the Islamic Republic on matters related to the Shiite cult during the past thirty years.
We who were not in the habit of burying alive our new-born baby girls, who basked in wealth and prosperity, had our own culture and share of liberty… and who did not particularly relish poverty:
They came and took away all this and brought us instead misery, penitence, the cult of worshipping the dead, whinging, mendacity, remorse, obedience to a vengeful and perfidious god, as well as ways to clean one’s ass after defecation. Everything about them is soiled with filth, with baseness, with greed, lack of taste and disingenuity, morbidity and wretchedness.
Why do they have this dejected and snaky look? Why do their songs sound like whining? Because they live in remorse, in mourn or in adulation of the departed.
For the sake of this lizard-eater Arab , who -- craving for the caliphate -- got himself slain several centuries ago, the living will now have to rub dirt on their skulls and wail.
In a Moslem mosque the first thing that hits you is the stench coming from latrines as if that were the means to propagate their faith and entice the infidel… getting them acclimatized to this religion. Then they wash their dirty hands and feet in this filthy puddle and to the tone of muezzin’s screech begin prostrating on their dusty mats while whispering incantations.
Their jubilee called ‘the feast of sacrifice’ is the day devoted to the massacre of lambs; it is spattered with blood, tainted with terror and marked with torture of animals, all this for their “clement and merciful god” … Their Judaic god is indeed oppressive, vindictive and vengeful. HE incessantly decrees slaughter and pillage of the people and has pledged to dispatch, before the resurrection day, the Occult Imam to settle scores with the unruly ummah and proceed to such a massacre that his horse would wade in the blood up to knees.
Indeed a pious Moslem is someone who, in the hope of carnal pleasures or other gluttonous desires, foregoes earthly pleasures, accepting a lifetime of deprivation and misery while seeing to terrestrial enjoyments of religious masters. They are in the grips of the departed souls. The living people are impelled to obey sinister canons of a thousand-years ago.
Instead of intellectual, philosophical or artistic pursuits they spend their time, dawn to dusk, debating doubts over the required number of immersions into water after an orgasm.
The Sharia is built around the concept of nijāssāt (or unclean things). If one takes away the groin part of the body the Islamic law will fall flat, with not much more to go for. The Ulema will then be obliged to bicker among themselves to invent empty phrases and rhymes in a contrived Arabic designed to fool the populace.
In whatever territory they conquered, they dragged the populace down in the dumps, afflicting upon them wretchedness, ignorance, prejudice, the cult of delation, theft, hypocrisy, fawning and ass-kissing of the mullahs; they turned the conquered territory into wasteland.
Just as Moses got scared [to be swallowed] when his cane conjured a dragon, so is this seven-headed monster [meaning Islam] poised to gobble up the world. The very practice of saying prayers -- of which the words must be said in Arabic -- and prostrating five times a day in front of the ‘god omnipotent’ is enough to make people self abasing and slavish.
What did they bring us after all? A dungy hotchpotch of contradictory precepts and opinions borrowed undigested from previous religions, sects and superstitions, opposed to all human instincts, ingenuity, uplifting of mind and spirit and pursuit of excellence which was forced upon us by sword.
________________________________________
• Sadeq Hedayat et l’Islam ( French)
• نوشتاری از صادق هدايت
• Sadeq Hedayat and Islam (English)
Translations by Darioush Bayandor
Sadeq Hedayat, (Sādeq Hedāyat 1903-1951) l’écrivain iranien le plus connu et admiré de la première moitié du 20ième siècle, dont l’influence littéraire perdure malgré le censure du régime islamiste, tient à son actif une douzaine des œuvres littéraires et des pièces de théâtres ainsi que plusieurs essais dans des domaines forts variés. Intellectuel de gauche et outrageusement laïc et athée, il affichait un mépris profond envers les mullahs et leurs enseignements religieux ainsi que, disons le, à l’égard des préceptes et édits Musulmans. Son aversion envers l’Islam pratiqué par les mullahs en Iran l’amena à commettre des excès du langage, voire des propos abusifs, pas uniquement en décrivant les traits des caractères de ces derniers mais aussi en lamentant l’imposition de cette religion par les Arabes à une civilisation iranienne qu’il estimait largement supérieures. Ainsi commet-il la pêché du chauvinisme d’un parfum racial, sentiments qu’il n’afficha guère hors de ce contexte et qu’il ne possédait probablement pas. Voici la regarde qu’il porte sur Islam et sa pratique en Iran dans des années trente et quarante. A noter que sa représentation de l’état pitoyable des Musulmans pieux à l’époque est largement obsolète du fait de la bienveillance sans faille, dans ces trente dernières années, de la part des autorités iraniennes envers tout ce qu’aurait trait aux questions liées au culte.
Nous qui n’avions pas l’habitude d’enterrer vivant nos filles nouveaux- nées ! Nous qui au temps jadis avions connus culture, prospérité et une certain liberté et qui, entre nous, on ne se vantait pas de pauvreté : Nous les avons vus arriver, eux, ils sont venus nous dérober de tout ça. À la place ils nous firent don de misère, pénitence, adulation des morts, pleurnicheries, mendicités, regrets, et obéissance à un dieu perfide et vengeur du même que des consignes pour se nettoyer la fesse aux chiottes. Tout ce qu’ils font est rempli de saleté, ou entaché de bassesse, l’insipidité, l’avarice, la fadeur, la mort et la misère.
Pourquoi ont-ils toujours des traits tristes et l’aires sournoises ? Pourquoi leurs chansons ressemblent- elles aux gémissements ? C’est parce que, des natures geignardes, ils vivent avec le remord et ne font qu’aduler les morts.
A cause de cet Arabe , mangeur des lézards , qui s’est fit tuer il y a plusieurs siècles en cherchant voracement le califat, les êtres vivants doivent se frotter du fumier sur le crâne et pleurnicher. A la mosquée des Musulmans la première chose que te frappe c’est la puanteur des chiottes comme si c’était pour propager leurs foi et séduire les infidèles pour qu’ils viennent prendre goût aux fondements de cette religion. Ensuite ils se lavent mains et pieds sales dans ce crasseux bassin d’eaux et, au rythme du hurlement du Muezzin, se prosternent sur un tapis sale devant leur dieu sanguinaire en chouchoutant des incantations.
Leur ‘fête de sacrifice’ est consacrée au massacre des moutons en semant terreur et saleté et en torturant les bêtes pour le Dieu miséricordieux et clément. Leur dieu judaïque est oppresseur, vindicatif et vengeur ; il décrète sans arrêt des tueries et des pillages, prêt à envoyer, avant le jour dernier, l’imam occulte pour s’occuper d’ ummah dans un tel flot sangs que le cheval de l’Imam s’y pataugent.
En fin de compte, un Musulman pieu c’est quelqu’un qui dans l’illusion des plaisirs charnels ou gourmands dans au-delà, accepte de vivre dans le dénouement et la misère, tout en veillant à la jouissance terrestre des maîtres de la religion. Ces derniers vivent sous l’emprise des morts ; les fidèles d’aujourd’hui sont contraints à obéir aux sinistre canons d’il a ya mille ans, ce dont même les animaux de plus basses espèces sont épargnés.
Au lieu de se consacrer aux questions d’ordres intellectuelles, philosophiques ou artistiques leurs préoccupations quotidiennes consistent à débattre, du matin au soir, du doute sur le nombre de fois à immerger dans l’eau, suite à un orgasme.
La loi islamique est construite autour de nijāssāt (les choses malpropres) ; elle s’effondre si on en découpe l’aine ; ils n’en restent plus grand Xxchose à dire si on en enlève la partie basse du corps humain. Les ulémas seront donc contraints à se disputer pour créer des phrases et des rimes ostentatoires sans contenus dans un arabe guindé pour duper la populace.
Dans n’importe quel territoire qu’ils réussirent à vaincre ils traînèrent les gens dans la misère et disgrâce, malheureuses victimes d’ignorance, préjugé, pauvreté, délation, hypocrisie et rompus au vol et à la servilité… pire léchant le cul des mullahs. Ils ont dégradé ces terres occupées en terrains vagues et déserts.
Mais tout comme la canne de Moise que se transforma en dragon et le fit reculer, ce monstre à septe têtes, lui aussi est en train d’avaler le monde [moyennant la subjugations des hommes]. Cette même pratique de se prosterner cinq fois par jour devant le dieu tout puissant, dont le nom devrait être obligatoirement prononcé en arabe, suffit pour rendre les gens serviles, pitoyables et ignobles.
Que nous ont ils apporté en fin de compte ? Une bouillabaisse dégoûtant de préceptes et d’opinions contradictoires empruntés à des sectes, des religions et des superstitions antérieures, hâtivement -- et sans pouvoir les digérer -- adopté sans homogénéité quelconque, hostile à toutes ingéniosités d’esprit et contraire à toutes sortes de progrès et rayonnement humain, imposés par la force de l’épée.
________________________________________
نوشتاری از صادق هدايت
ما که عادت نداشتیم دخترانمان را زنده به گور کنیم ، ما برای خودمان تمدن وثروت و آزادی و آبادی داشتیم و فقر را فخر نمیدانستیم همه اینها را از ما گرفتند وبجاش فقرو پشیمانی و مرده پرستی و گریه و گدائی و تأسف واطاعت از خدای غدار و قهار و آداب کونشوئی و خلأ رفتن برایمان آوردند ، همه چیزشان آمیخته با کثافت و پستی و سود پرستی و بی ذوقی و مرگ و بدبختی است.
چرا ریختشان غمناک و موذی است و شعرشان چوس ناله است چونکه با ندبه و زوزه و پرستش اموات همه اَش سرو کار دارند
برای عرب سوسمار خوری که چندین صد سال پیش به طمع خلافت ترکیده، زنده ها باید به سرشان لجن بمالند و مرگ و زاری کنند.
... ، در مسجد مسلمانان اولین برخورد با بوی َگند خَلأست که گویا وسیله تبلیغ برای عبادتشان و جلب کفار است تا به اصول این مذهب خو بگیرند. بعد این حوض کثیفیکه دست و پای چرکین خودشان را در آن می شویند و به آهنگ نعره مؤَذن روی زیلوی خاک آلود خودشان دولا و راست میشوند و برای خدای خونخوارشان ِورد و اَفسون میخوانند
... , عید قربان مسلمانان با کشتار گوسفندان و وحشت و کثافت و شکنجه جانوران برای خدای مهربان و بخشایشگر است خدای جهودی آنها قهار و جبار و کین توز است و همه اش دستور کشتن و چاپیدن مردمان را میدهد وپیش از روز رستاخیز حضرت صاحب را میفرستد تا حسابی دَخل اُمتش را بیاورد و آنقدر از آنها قتل عام بکند که تا زانوی اسبش در خون موج بزند
تازه مسلمان مومن کسی است که به امید لذتهای موهوم شهوانی و شکم پرستی آن دنیا با فقر و فلاکت و بدبختی عمر را بسر برد و وسایل عیش و نوش نمایندگان مذهبش را فراهم بیاورد. همه اَش زیر سلطه اَموات زندگی میکنند و مردمان زنده امروز از قواننین شوم هزار سال پیش تبعیت میکنند کاری که پست ترین جانوران نمیکنند.
عوض اینکه به مسائل فکری و فلسفی وهنری بپردازند ، کارشان این است که از صبح تا شام راجع به شک میان دو و سه استعامنه قلیله و کثیره بحث کنند. انگار که پیش از ظهور اسلام نه کسی تولید مثل میکرد و نه سر قدم میرفت . این مذهب برای یک وجب پائین تنه از عقب و جلو ساخته و پرداخته شده
خدا آخرین فرستاده خود را مأمور اصلاح این امور کرده است .
تمام فلسفه اسلام روی نجاسات بنا شده اگر پائین تنه را از آن حدف کنیم اسلام روی هم میغلتد و دیگر مفهومی ندارد. بعد هم علمای این دین مجبورند از صبح تا شام با زبان ساختگی عربی سرو کله بزنند سجع و قافیه های بی معنی و پر طمطرق برای اغفال مردم بسازند ویا تحویل بدهند.
سرتا سر ممالکی را که فتح کردند، مردمش را به خاک سیاه نشاندند و به نکبت و جهل و تعصب و فقر و جا سوسی و دوروئی و دزدی و چاپلوسی و کون آخوند لیسی مبتلا کردند و سرزمینش را به شکل صحرای برهوت در آوردند.
...
اما مثل عصای موسی که مبدل به اژدها شد وخود موسی از آن ترسید این اژدهای هفتاد سر هم دارد این دنیا را می بلعد. همین روزی پنج بار دو لا راست شدن جلو قادر متعال که باید بزبان عربی او را هجی کرد، کافی است تا آدم را تو سری خور و ذلیل و پست و بی همه چیز بار بیاورد
مگر برای ما چه آوردند ؟ معجون دل به هم زنی از آرا و عقاید متضادی که از مذاهب و ادیان و خرافات پیشین ، هول هولکی و هضم نکرده استراق و بی تناسب بهم در آمیخته شده است، دشمن ذوقیات حقیقی آدمی، و احکام آن مخالف با هر گونه ترقی و تعالی اقوام ملل است و به ضرب ششمشیر به مردم زوزچپان کرده اند. یعنی شمشیر بران و کا سۀ گدائی است، یا خراج و جزیه به بیت المال مسلمین بپردازید یا سرتان را میبریم هر چه پول و جواهر داشتیم چاپیدند. آثار هنری ما را از میان بردند و هنوز هم دست بردار نیستند؛ هر جا رفتند همین کار را کردند
Sadeq Hedayat and Islam
(Unedited first draft)
Sadeq Hedayat, (Sādeq Hedāyat 1903-1951) the best known and most respected Iranian writer- novelist of the first half of the 20ièmecentury, whose literary influence endures in spite of a publication ban on his works by the clerical regime in Iran, is credited with a dozen literary works and screenplays as well as several essays in a wide array of topics. A leftist intellectual, furiously secular and atheist, he harbored much scorn for the mullahs and their religious teaching as indeed for the edicts and the precepts of the Shiite Islam. His aversion towards Islam practiced by the mullahs in Iran drove him to use excessive, even abusive language, not just in depicting the character traits of clerics but also in lamenting the Arab imposition of Islam on an Iranian civilization that he clearly deemed superior. There Hedayat sins by displaying chauvinism of a racial variety, sentiments which are absent elsewhere in his writings and which he may have lacked. The text below is his vision of Islam and its practice in Iran during the nineteen thirties and forties, the decades in which he created the bulk of his literary works. To be noted that his depiction of wretchedness and state of disarray besetting the Shiites in Iran is dated in view of unsparing generosity by the Islamic Republic on matters related to the Shiite cult during the past thirty years.
We who were not in the habit of burying alive our new-born baby girls, who basked in wealth and prosperity, had our own culture and share of liberty… and who did not particularly relish poverty:
They came and took away all this and brought us instead misery, penitence, the cult of worshipping the dead, whinging, mendacity, remorse, obedience to a vengeful and perfidious god, as well as ways to clean one’s ass after defecation. Everything about them is soiled with filth, with baseness, with greed, lack of taste and disingenuity, morbidity and wretchedness.
Why do they have this dejected and snaky look? Why do their songs sound like whining? Because they live in remorse, in mourn or in adulation of the departed.
For the sake of this lizard-eater Arab , who -- craving for the caliphate -- got himself slain several centuries ago, the living will now have to rub dirt on their skulls and wail.
In a Moslem mosque the first thing that hits you is the stench coming from latrines as if that were the means to propagate their faith and entice the infidel… getting them acclimatized to this religion. Then they wash their dirty hands and feet in this filthy puddle and to the tone of muezzin’s screech begin prostrating on their dusty mats while whispering incantations.
Their jubilee called ‘the feast of sacrifice’ is the day devoted to the massacre of lambs; it is spattered with blood, tainted with terror and marked with torture of animals, all this for their “clement and merciful god” … Their Judaic god is indeed oppressive, vindictive and vengeful. HE incessantly decrees slaughter and pillage of the people and has pledged to dispatch, before the resurrection day, the Occult Imam to settle scores with the unruly ummah and proceed to such a massacre that his horse would wade in the blood up to knees.
Indeed a pious Moslem is someone who, in the hope of carnal pleasures or other gluttonous desires, foregoes earthly pleasures, accepting a lifetime of deprivation and misery while seeing to terrestrial enjoyments of religious masters. They are in the grips of the departed souls. The living people are impelled to obey sinister canons of a thousand-years ago.
Instead of intellectual, philosophical or artistic pursuits they spend their time, dawn to dusk, debating doubts over the required number of immersions into water after an orgasm.
The Sharia is built around the concept of nijāssāt (or unclean things). If one takes away the groin part of the body the Islamic law will fall flat, with not much more to go for. The Ulema will then be obliged to bicker among themselves to invent empty phrases and rhymes in a contrived Arabic designed to fool the populace.
In whatever territory they conquered, they dragged the populace down in the dumps, afflicting upon them wretchedness, ignorance, prejudice, the cult of delation, theft, hypocrisy, fawning and ass-kissing of the mullahs; they turned the conquered territory into wasteland.
Just as Moses got scared [to be swallowed] when his cane conjured a dragon, so is this seven-headed monster [meaning Islam] poised to gobble up the world. The very practice of saying prayers -- of which the words must be said in Arabic -- and prostrating five times a day in front of the ‘god omnipotent’ is enough to make people self abasing and slavish.
What did they bring us after all? A dungy hotchpotch of contradictory precepts and opinions borrowed undigested from previous religions, sects and superstitions, opposed to all human instincts, ingenuity, uplifting of mind and spirit and pursuit of excellence which was forced upon us by sword.
________________________________________
Littérature Classique Perse: Hafez; Affronter la Vertu
Hafez : Affronter la Vertu
Par Darioush Bayandor
Hafez , le plus célèbre prodige de la poésie lyrique iranienne qui vivait au quatorzième siècle à Chiraz, le chef- lieu de la province de Fars, fut aussi la bête noire des ulémas de son époque. Les traces de ses affrontements avec ces derniers se trouvent partout dans sa poésie. Par ailleurs, Hafez a été présenté, aussi bien en Iran qu’à l’étranger, comme un poète mystique orienté vers le Sufisme. Cette supposition qui a traversé les siècles en truisme à peine contesté n’a pas manqué de dénaturer l’héritage de Hafez dans sa perception commune. Dans un cas ou l’autre c’est la puissance hors norme de son message et les constructions magistrales de sa poésie qui incitent les travestissements malveillants.
Cet article s’intéresse au champ de collision entre un poète qui transgresse les tabous au sein d’une société médiévale orientale et le dogmatisme ambiant. Il cherche, en outre, à présenter le poète et son patrimoine tel qu’ils ressortent de ses ouvrages sans y voir une face occulte ni sens déductif. Les traductions d’une sélection restreinte de ses sonnets, pour lesquelles l’auteur assume la responsabilité, représentent un effort de transmission du sens, adaptées à la langue française. Elles ne prétendent nullement à l’exactitude textuelle. Il va sans dire que la beauté sublime de la poésie de Hafez et les subtilités dans la construction de ses vers sont impossibles à saisir dans la traduction. Ce texte est accompagné en annexe d’une note biographique ainsi que d’une bibliographie.
Hafez et uléma
Durant tout son parcours de poète Hafez fut harcelé par le clergé de Chiraz. Ceci n’était pas uniquement dû à son mode de vie peu pieuse, portée par l’adulation du vin et les plaisirs terrestres mais sur tout à cause de ses commentaires acerbes à propos de l’hypocrisie du clergé et les préceptes réducteurs qu’ils enjoignaient. Le Divan, (le recueil des ses œuvres) est plein des vers qui reflètent ce conflit. Voici quelques sélections.
واعظان کاین جلوه د ر محراب ومنبر میکنند
چون به خلوت میروند آن کارد یگر میکنند مشکلی دارم ز دا نشمند مجلس باز برس توبه فر مایان چرا خود توبه کمتر میکنند
گوئیا باور نمیدارند روز دا وری
کاین همه قلب و دغل در کار داور میکنند
(Traduction)
Ces prédicateurs qui brillent en vertu,
Aux autels et sur les pupitres,
En retrait,
Seraient-ils si purs, si limpides ?
J’ai une question au savant du cercle :
Pourquoi ces prêcheurs de repentance
No se repentent-ils jamais.
Croient-ils au jugement dernier ?
La divinité pervertie, jetée sous une fausse lumière ?
Dans le vers suivant c’est le philosophe gouailleur qui s’exprime :
گر زمسحد به خرا با ت شد م خو رده مگیر مجلس وعظ درا ز ا ست و زما ن خوا هد شد ایدل ار عشر ت امر وز به فردا فکنی
مایه نقد بقا را که ضما ن خوا هد شد ماه شغبان منه ا زد ست قدح کاین خورشید
ا زنظر تا شب عید رمضا ن خوا هد شد
Si je passe de la mosquée à la taverne,
Ne m’en tiens pas rigueur,
Car les serments y sont longs,
Et le temps ne s’arrête pas
Ô’mon ami, ne remets pas les plaisirs d’aujourd’hui à demain,
Qui se portera garant ?
Que demain sera au rendez- vous !
C’est le mois de Sha’abân ,
Ne cesse pas de boire,
Tout comme les caprices du soleil,
Le pot peut disparaître au Ramadân !
Hafez toujours moqueur et insolent, exhibe son individualisme dans la strophe suivante:
عیب رندا ن مکن ایزاهد باکیزه سرشت که گناه دگران بر تونخواهند نوشت.
من اگر خوبم و گر بد تو برو خود را باش . هر کسی ا ن درود عا قبت کار که کشت.
نا امید م مکن ا ز سا بقه لطف ا ز ل
تو بس برده چه دا نی که خوبست وکه زشت. که
حافظا روزاجل گر بکف ا ری جا می
یکسر ا ز کوی خرا با ت برند ت به بهشت
Ô’ noble clergé,
Ne tourmente pas les esprits libertins,
Leurs péchés, ils ne te seront point reprochés.
Je peux être vil ou vertueux,
Occupes-toi de tes affaires,
L’on ne récolte que ce que l’on sème.
Ne me désespère pas de la merci divine
Au-delà de ce rideau
Du bien, du mal....
Qui dira le pire et le mieux?
Ô 'Hafez, si avant ton dernier souffle,
Tu prends une gorgée du vin,
Vers les Cieux,
Te sera lumineux le chemin.
Il faut bien souligner que ce n’est pas uniquement la bondieuserie du clergé qui est en cause. Dans plusieurs des ses vers Hafez s’éloigne de l’orthodoxie ambiante et brave les tabous infranchissables. Des métonymies telles que « mettre en gage son tapis à prière » pour « se procurer du vin » ou bien le tacher de vin selon le désir de son maître, constituent des motifs récurrents dans sa poésie . Dans une pique d’extase il chante :
ما مرید ان روی سوی کعبه چون آ ریم چون روی سوی میخا نه داردپیرما
« Comment pourrai-je me tourner vers la Ka’ba? C’est vers la taverne que mon maître se dirige.
Plusieurs anecdotes, passées d’une génération à l’autre, témoignent du mépris dans lequel uléma tenaient le poète . Si cette hostilité se manifestait rarement dans les actes de vengeance, la nature de la société perse du 14e siècle et la place qu’occupait Hafez dans la société y sont pour quelques choses. La renommée de Hafez déjà pendant sa vie dépassait sa ville natale et - si l’on en croit certains récits – se serait étendu à l’Asie centrale voire méridionale. Hafez sans doute avait ses défenseurs et disciples et profitait de surcroît de la protection des milieux influents notamment celle des ses mécènes royaux .
Nombres de chercheurs ont évoqué le refus des mollahs de lui administrer à sa mort les rites funèbres musulmans . D’autres ont fait état de profanation de sa tombe par des zélotes. Bien que ces affirmations ne se reposent pas sur des indices fiables, l’hypothèse n’est guère invraisemblable. Selon l’une de ces anecdotes la chamaillerie sur la cérémonie funèbre entre les mullahs serait résolue une fois qu’ils décidèrent de recourir à la pratique de divination en utilisant comme guide le Divan ou le recueil des poèmes de Hafez. Ceci fait, ils tombent sur un sonnet qui se termine ainsi :
قدم دریغ مدار از جنا زه حافظ
که گرچه غرق گناه ا ست میرود به بهشت
Ne ménage point quelques démarches derrière mon cercueil ;
Noir des péchés tel que je suis,
Ma place sera au paradis.
L’anecdote est de véracité douteuse car le Divan ne fut compilé qu’une vingtaine d’années après la mort du poète survenue en 1389 . La pratique de chercher l’inspiration moyennant le Divan - devenu courant par après – ne pourrait pas avoir déjà commencé à cette époque. L’anecdote est néanmoins révélatrice de l’existence d’un malaise qui ne disparaîtra totalement même dans les temps modernes. L’historien britannique Sir Percy Sykes (1865-1945) en faisait état en se disant témoin oculaire d’une instance de profanation de la tombe de Hafez à Chiraz en 1916.
Une autre instance du rudoiement de Hafez par l’uléma est bien notoire. Cette fois le récit est étayé sur sa propre poésie. Alors que les chroniqueurs ne sont pas unanimes sur les séquences et l’identité des protagonistes de cette petite histoire, sur sa véracité il n’y a pas de contestation . Ainsi mérite-elle d’ être racontée ici : Dans un des ces vers Hafez avait raillé l’hypocrisie d’un chef religieux, confident du roi, au nom - selon certains- de Mir Emad Faghih Kermani . Celui-ci prétendait avoir dressé son chat à se prosterner d’après lui lors des prières quotidiennes ou « nemaz ».
ای کبک خوشخرا م که خوش میروی بنا ز
غره مشو که گربه زاهد نما ز کرد
Ô’ magnifique perdrix, ne te pavanes pas avec tant d’orgueil
Le chat de notre cheikh sait faire le ‘nemaz’
Furieux, les clergés attendent leur tour pour se venger. L’occasion ne tarde pas à se présenter lors que dans l’un de ses vers Hafez médita:
گر مسلما نی از این است که حا فظ دارد
وای اگرا ز پس امروز بود فردا ئی
Hafez, un vrai Musulman ne se ressemble guère à toi.
Gare à toi s’il existait l’au-delà."
Le vers fut interprété comme preuve irréfutable d’apostasie du fait que Hafiz aurait semé de doute sur la véracité de ‘l'au-delà’. Il serait question d'une fatwa à l’encontre du poète.
Hafez prit peur et consulta confidentiellement un ami juriste que lui donna son conseil conforme à la jurisprudence islamique selon laquelle si les faits susceptibles d’inculper un Musulman pour le crime d’apostasie pouvaient être imputés à un tiers non- Musulman, ceci occasionnera un non- lieu du fait que les membres des autres confessions ne seraient pas tenus d’accepter les édits visant les Musulmans.
Alors Hafez couva dans une planque durant quelques jours au bout desquels Il inséra un patch juste avant le passage qui avait suscité la polémique. Il le fit avec un naturel magistral et un rythme parfait - insaisissable en traduction- à l’instar d’un maître restaurateur qui restaure un tableau sans laisser la moindre trace
این حد یثم چه خوش ا مد که سحرگه میگفت
بر در میکده ای با دف و نی ترسائی
گر مسلما نی از این است که حا فظ دارد
وای اگرا ز پس امروز بود فردا ئی
A l’aube, sortant de la taverne,
J’ai été ravi d’entendre l’infidèle.
Il me charria en chantant:
Hafez, un vrai Musulman,
Ne se ressemble guère à toi
Gare à toi si existait l’au-delà."
Le message de Hafez
Pour Hafez la vérité humaine réside dans la poursuite des instincts naturels plutôt que dans leur abnégation. Il se présente à la fois comme séducteur et séduit, entiché des femmes et du vin et emporté par les plaisirs temporels.
ز حسن روی جوا نا ن تمعتعی بردار
که در کمینگه عمر ا ست مکر عا لم پیر
Savoures-en de beauté de la jeunesse.
Car te guette à l’affût la perfide vieillesse.
Pour lui, l’infamie vaut mieux que le piétisme et la tromperie de l’au- delà. Seuls les esprits malsains, dit-il dans un des ses mémorables sonnets, laissent le palpable pour des promesses illusoires.
کنون که میدمد ا ز بوستان نسیم بهشت
من وشرا ب فرحبخش ویا ر حورسرشت
گدا چرا نزند لا ف سلتنطت ا مروز
که خیمه سا یه ا بر است وبزمگه لب کشت
چمن حکا یت ا رد یبهشت میگوید
نه عا قلست ا نکه نسیه خرید و نقذ بهشت
Le vent d’un parfum grisant,
Souffle par-dessus des prés,
Assis, folâtre avec du vin égayant,
A côté d’une femme de beauté céleste,
Pourquoi l’indigent ne prétendrai-il pas à la couronne?
Son auvent l’ombre des nuages,
La prairie lieu de son festin.
Les verdures annoncent l’arrivée du printemps,
Nul esprit sain laisse le palpable,
Pour les promesses du lendemain.
Le Divan est plein d’allusions directes ou métaphoriques de telle nature. Leurs fréquences excluent toute supposition qu’elles seraient fortuites ou inhabituelles. Pouvoir revendiquer son identité et ses valeurs propres et façonner sa vie autours d’elles est la base de sa pensée. Ainsi son individualisme se heurte-il contre la recette de salut proposée par les religieux. Hafez admet bien volontiers être pécheur mais il plaide non coupable devant sa propre conscience. Le Créateur ne pourrait pas avoir instillé des instincts dans la nature humaine et punir ses créatures pour s’en servir.
Cette sérénité le conduit à traiter des thèmes tabous avec désinvolture voire insolence. Dans un de ses plus célèbres sonnets il chante :
دوش دیدم که ملا یک در میخا نه زدند
گل ا دم بسرشتند و به پیما نه زدند
سا کنا ن حرم ستر عفاف ملکوت
با من را ه نشین با ده مستا نه زدند
آ سما ن با ر اما نت نتوا نست کشید
دند قرعه فا ل به نا م من دیوا نه ز
A l’aube j’ai rêvé
Que les anges frappaient à la porte de la taverne !
De l’argile d’Adam,
Elles façonnaient des calices,
Pour en boire du vin.
Les nymphes du sérail divin,
Assises prés de moi, le vagabond
Se délectaient, grisées du vin
Les cieux n'auraient pu garder le secret,
Le sort m'en incomba le fardeau,
Moi, l'aliéné, le chemineau.
Hafez est pourtant préoccupé par la divinité et la métaphysique. Pour lui la création est un mystère au-delà de la portée humaine. Cette vision agnostique de l’existence est répercutée dans plusieurs des ses sonnets dont la dernière strophe d’une de ses plus célèbres odes, dont voici certains vers sélectionnés.
اگر ا ن ترک شیرا زی بدست آرد دل ما را
به خا ل هندوش بخشم سمرقند وبخا را را
بده ساقی می باقی که در جنت نخوا هی یافت
کنا ر اب رکنا با د و گلگشت مصلا را
من ا ز ان حسن روزا فزون که یوسف دا شت دانستم
که عشق ا ز برده عصمت برون ارد ذ لیخا را
نصیحت گوش کن جا نا که ا ز جا ن دوست تر دارند
جوا نا ن سعا دتمند پند پیر دانا را
حدیث ا ز مطرب و می گو و را ز دهر کمتر جو
که کس نکشود و نگشا ید به حکمت ا ین معما را
« Si cette belle turque du Chiraz cède à mon désir,
Seul pour son grain de beauté hindou,
Je cèderais Samarkand et Boukhara .
Ô, jolie tavernière, remplis mon verre du vin éternel,
Car au paradis,
Rien n'égale le ruisseau de Roknabad*,
Ni le jardin de Mossala .
Du charme grandissant de Joseph,
J'ai compris que l'amour,
Allait briser le vœu de chasteté de Zuleikha.
Ecoute bien mon ange, le conseil doré du vieux sage:
Ne parlons que du vin et de la musique,
Et ne cherchons point les secrets de l’univers.
Car, nul être n’a jamais su,
Ni saura résoudre ce mystère ».
La mystification de Hafez
Alors que les assauts doctrinaires dont fut l’objet Hafez durant sa vie et au-delà sont facile à appréhender, la tentative de la contorsion de sa vision et philosophie, est insidieux et difficile à scruter. L’entrée fracassante de Hafiz dans le paysage culturel de l’Iran du 14e siècle ne saurait laisser les milieux intellectuels et religieux indifférents. Déjà pendant sa vie, Hafez aurait trouvé la notoriété dans les provinces de l’ancien empire et en Inde . La fraîcheur de sa vision et pensée, enchâssées dans des vers rythmiques inégalés, sa maîtrise de métaphore de métonymie et avant tout de l’aphorisme - formulé dans un langage simple et accessible même aujourd’hui aux couches populaires - ne tardera pas d’en faire un monument d’art lyrique ainsi qu’une idole du peuple.
Un procédé insidieux de mystification de Hafez moyennant la perversion de son message est désormais mis en marche. Le franc-parler du poète en adulation du vin et la poursuite des plaisirs temporels s’est vu donner un tournure ésotérique ; On y accorde un sens gnostique à chaque métaphore. Le Divan reçoit l’appellation « lissanul-gheibe لسا ن الغیب » ou la langue des mystères. Progressivement, il devient un dogme intellectuel, de compter Hafez parmi les poètes mystiques . Comment ceci est-il arrivé au juste, ce n’est pas facile à documenter avec précision. L’on peut, par contre, esquisser un schéma historique dans lequel cette transfiguration pourrait être mieux appréhendée.
A partir du 12e siècle le Sufisme devient le courant de pensée dominant parmi les hommes de lettres et pensées en Iran ainsi que dans le monde Arabo- Musulman. Ses années formatives furent sans doute marquées par les enseignements des grands maîtres Sufis, tels que Farid’uddin Attar Neichapouri (1142-1221), Seyyed Jallal’uddin Mohammed, dit Molavi Rumi (1207-1273) ou encore Shahab’uddin Sohrevardi (12e siècle) qui avaient quasiment saturé le climat intellectuel de l’époque.
Les origines et le contenu du Sufisme dépassent les limites du présent article. Il suffit de rappeler que le Sufisme est enraciné en Islam et y reste encré. Il a été, selon toute vraisemblance, influencé par le panthéisme grec et les tendances philosophiques indiennes d’abstinence et d’ascétisme. Au fond, il s’agit d’une école théophilosophique qui revendique l’unité du Créateur avec ses créatures. L’individu devrait atteindre la divinité au bout d’un parcours laborieux marqué par l’abstinence qui lui permet de découvrir la vérité sur terre. D’aucuns ont perçu et projeté le Sufisme comme une échappatoire par rapport à la rigidité qui caractérise les préceptes sociaux de l’Islam et qui offre une voie du rapport intérieur avec la divinité. Tout cela donne au Sufisme un aspect à la fois élitiste et ésotérique dont la clef- de -voûte est la gnose, ou connaissances des mystères par les initiés.
Pourtant, alors que le Sufisme contient des attributs hérétiques indéniables, ses contours ne dépassent pas l’Islam . Par conséquent, malgré un contentieux qui n’a pas cessé de s’intensifier au fil des siècles, un pacte non- écrit de coexistence a existé entre l’orthodoxie et le mysticisme islamique depuis le temps de Ibn Al-Arabi au 12e siècle jusqu'à aujourd’hui.
Il n’est pas tout à fait inconcevable que dans sa jeunesse Hafez ait appartenu à un ordre sufi. Alors qu’il a dû avoir commencé sa scolarité dans une école coranique - pour avoir su réciter le Coran par cœur - ses instructions ultérieures pourraient avoir été conduites sous la tutelle d’un maître sufi. Dans certains textes sur Hafiz, le nom Cheikh Mahmud Attar (à ne pas confondre avec le célèbre Cheikh Attar Neichapouri) est apparu comme son maître qui, au demeurant, ne serait ni très connu ni une référence en matière d’abstinence .
Certaines, des poésies de Hafez ont un parfum de mysticisme, de même que
d’autres portent l’empreinte de thèmes coranique. Encore dans d’autres poèmes Hafez fait-il allusion aux sujets courants de la société ; Il écrivit même des poésies panégyriques (voir cette rubrique ci-dessous). En outre, l’usage fréquent de l’amphibologie - des phrases à double sens - donne libre cours aux interprétations conflictuelles. Plusieurs chercheurs ont fait remarquer, non sans raison, que la poésie dueHafez peut correspondre aux attentes des gens de sensibilités contrastées. Peu d’entre eux ont fait valoir la vocation essentiellement poétique – et non idéologique - de ces œuvres. Le sonnet suivant, du parfum mystique, en est une digne représentation :
سالها دل طلب جا م جم ا ز ما میکرد
آنچه خود دا شت ز بیگا نه تمنا میکرد
گوهری کز صدف کون و مکا ن بیرون بود
طلب ا ز گمشدگان لب دریا میکرد
مشکل خویش بر پیر مغا ن برد م د وش
کو به تا ئید نظر حل معما میکرد
دیدمش خرم و خندا ن قدح با ده بد ست
وان د ر آ ن آینه صد گونه تما شا میکرد
گفتم ا ین جا م جها ن بین بتو کی دا د حکیم
گفت آنروز که این گنبد مینا میکرد
بیدلی در همه احوا ل خدا با او بود
او نمیدید ش و از دور خدایا میکرد
گفت آ ن یا ر کزو گشت سردا ربلند
جرمش این بود که ا سرا ر هویدا میکرد
فیض روح ا لقد س ا ر با ز مدد فرما ید
مسیحا میکرد د یگرا ن هم بکنند آ نچه
Depuis toujours mon cœur convoitait le miroir mythique ,
Ce qu’il portait en soi,
Il le cherchait ailleurs,
Parmi les inconnus.
La perle, hors des confins du temps et de l’espace,
Cherchait sa coquille dans les rivages,
Parmi les marins perdus.
J’ai remis le dilemme au vieux mage ,
Celui qui résout toutes énigmes.
Souriant, un verre du vin à la main,
Son regard balayait le miroir magique.
Quant t’accorda- t-Il cette bonté le Dieu ?
« Lors qu’Il façonna la terre et les cieux ! »
La torpeur sans âme, qu’avait le Dieu en soi,
Elle Le réclamait sans cesse mais ne Le sentait pas.
L’ami pour qui le gibet fut érigé,
Son crime ? Trahir le non-dit ,
La magie divine du Saint Esprit,
Si elle te vient en aide,
Tu feras les mêmes féeries que le Christ.
Alors que des attributs mystiques y sont présents, rien ne laisse supposer qu’en traitant ses thèmes, le poète exprimait ses propres convictions. Ce qui est frappant à part la beauté des lyriques (dans sa version originale), c’est la façon dont Hafez reprend des thèmes cycliques de la poésie perso- arabe et les remanie en constructions poétiques nettement supérieures.
Pour comprendre sa vision il faut donc arrêter d’interpréter et focaliser sur ce qu’il a dit dans un language sans équivoque à savoir le désaveu de connaissance de divinité, la poursuite des plaisirs terrestres souvent furtifs que devront être saisis sans se soucier des promesses d’au-delà; Son adulation du vin et la taverne est temporelle mais il le veut aussi comme l’antithèse de l’hypocrisie pieuse des clergés.
La foi indubitable des Sufisme dans l’unicité d’être humains et la divinité et l’harmonie entre tous les éléments de la création ainsi que leur penchant pour l’abstinence est étranger au caractère de Hafez à tel point qu’il frôle crédulité de le placer dans le rang des Sufis . Mais laissons une fois de plus la parole au poète lui-même. A maintes reprises il reproche aux Sufis leur hypocrisie, leur manque de netteté voire leur fraude
نقد صوفی نه همه صا فی و بیغش با شد
« L’or du Sufi n’est pas toujours de bon aloi ».
Ou bien :
صوفی بیا که که خرقه سا لوس بر کشیم
وین نقش زرق را خط بطلا ن بسر کشیم
بیرون جهیم سرخوش و ا ز بزم صوفیا ن
غارت کنیم با ده و شا هد به بر کشیم
عشرت کنیم ورنه بحسرت کشند مان
روری که رخت جا ن بجها ن د گرکشیم
Sufi allons ! Jetons ces simulacres et faussetés,
Sortons de bonne grâce de ce festin,
Pillons les jarres du vin et embrassons les belles femmes,
Allons, plongeons- nous dans les plaisirs,
Avant d’être rongés par le regret et chagrin,
Devant l’ultime appel du destin.
Dans un autre vers Hafez affirme que ce courant de pensée, à savoir le Sufisme, n’a rien à offrir :
در میخا نه ام بگشا که هیچ از خا نقه نگشود
گرت باور بود ورنه سخن ا ین بود و ما گفتیم
Je dis ce que je dois dire, que tu veuilles ou non y croire :
Ouvrons la porte de la taverne,
Car le temple des Sufis ne nous a rien apporté.
Malgré ces affirmations et ses aveux sans ambages d’être pécheur, voir mener une vie de dépravation , des moralistes ont cherché de sanctifier Hafez. La méthode employée consiste à accorder un sens occulte à tous mots qui dans le lexique des moralistes dénotent d’un péché. Ainsi le vin symbolise la vérité et l’amour se réfère à l’adulation de la divinité.
Du même que le Judaïsme, où le rabbinat a réussi à placer les Cantique des cantiques, avec ses parfums érotiques, sous le signe de la piété, les mystiques iraniens, avec l’aval tacite de la hiérarchie religieuse, ont présenté la grande étoile de la poésie iranienne comme l’un des leurs.
Par ailleurs, les détracteurs de Hafez ont cherché de barbouiller son image en mettant le doigt sur certaines de ses œuvres de caractère panégyriques.
Les ouvrages panégyrique d’ Hafez.
Il est malhonnête de chercher à soustraire Hafez à la critique selon laquelle il se laissait porter par flagornerie pour plaire aux rois mécènes et aux personnalités influentes dans leur entourage. Pendant sa carrière de poète Hafez a connu les règnes des cinq monarques dont trois lui accordèrent leur patronage . Pour sa subsistance Hafez avait besoin de cette aumône, la poésie en soi ne faisant pas recettes. Un emploi qu’il aurait tenu au Collège du Chiraz en qualité de professeur des études coraniques, si ceci s’avérait exact , ne lui aurait pas apporté assez pour subvenir à ses besoins. Sa poésie en effet révèle qu’il a traversé des périodes difficiles dues à l’inattention de la part de ses patrons. A part l’emploi de flatterie dans une poignée de ses odes, Hafez faisait allusion de temps à l’autre à sa situation précaire sans doute pour les oreilles de ses mécènes.
A une occasion, par une missive versifiée adressée à un de ses confidents, Hafez pria celui-ci de trouver un moment opportun avec son maître où « seul la brise soit admis dans leur confidence » et au préalable adoucir l’humour de son maître par une plaisanterie avant de lui rappeler de « la gratification de Hafez ».
Ceci dit, il faut bien souligner que Hafez n’avait aucunement la vocation d’un poète courtier et somme toute la part panégyrique de ses œuvres ne constitue qu’une part infime de sa poésie. Qui plus est, il y a raison à croire que Hafez avait une authentique affection, au moins pour certaines des personnalités qu’il eut louée. Le cas du Shah Abu Isaak est un bon exemple. A son égard Hafez écrivit, à titre posthume, des sonnets mélancoliques, pas sans encourir certains risques pour sa propre personne. En effet, le Shah Isaak avait été renversé et exécuté par son successeur Emir Mubarez Mozaffar. Dans une de ces poèmes Hafez fait la louange de l’ancien roi et de quatre des ses lieutenants pour la prospérité qu’a connu Chiraz sous son règne .
Ailleurs, dans une émouvante élégie pour le roi Issak il chante :
یاد باد آنکه سر کوی توا م منزل بود
دیده را روشنی از خا ک درت حا صل بو د
راست چون سوسن و گل ا ز ا ثر صحبت پا ک
بر زبا ن بود مرا آ نچه ترا در د ل بود
آ ه ا ز این جور و تطا ول که در ا ین دا مگه ا ست
آ ه ا ز آ ن سوز و نیا زی که دز ا ن محفل بود
در دلم بود که بی دوست نباشم هرگز
چه توا ن کرد که سعی من و دل با طل بود
را ستی خا تم فیروزه بوا سحا قی
خوش درخشید ولی دولت مستعجل بود
د یدی آ ن قهقه کبک خرا ما ن حا فظ
قضا غا فل بو د که ز سر پنجه شا هین
Ô’ que des souvenirs vifs,
Du temps où ma demeure fut tout prés de la tienne,
Et la poussière du devant de ta porte,
Eclairait mes jours.
Comme des tiges de jeunes fleurs,
Nous nous tenions droits,
Par la pureté de nos discours,
Et de ma bouche ruisselaient des mots,
Qui sortaient de ton cœur.
Regarde la malice qui te guette dans ce guêpier.
Et souviens-toi de nos euphories et extases,
Dans mon cœur, je ne voulais plus être,
Le jour où tu ne seras plus là,
Hélas mon vœu était en vain,
Et j’ai trahi mon âme.
La turquoise de l’anneau du roi feu,
A bien ébloui, hélas dura peu.
N’as-tu vu Hafez,
L’allégresse de la perdrix qui se pavane,
Insouciante des griffes du faucon ?
Par contre Hafez se montre plein de mépris à l’égard de l’Emir Mubarez qui en accédant au trône ordonna la fermeture des tavernes et se mit à instaurer un état puritain, à l’instar de ce qu’un siècle plus tard Savonarole établira à Florence. La poésie de Hafez à cette époque est remplie de reproches, de rage et de nostalgie. Dans une de ces remarques passagères il dédaigna les tourne-vestes qui ruèrent au palais pour y faire acte d’allégeance au nouveau roi :
حا فظ برو که بند گی پا د شا ه وقت
گر جمله میکنند تو با ر ی نمیکنی
Laisses les autres se mettre à plat,
Devant la majesté du nouveau roi,
Hafez, toi, tu ne t’abaisses point si bas.
Alors que le règne de l’Emir Murez a plongé Chiraz dans une ambiance ténèbres, Hafez écrivit une lamentation d’une beauté inégalée.
یا ری اند ر کس نمی بینم یا را ن راچه شد
د و ستی کی آ خر آ مد د و ستد را ن را چه شد
لعلی ا ز کا ن مروت بر نیا مد سا لها ست
تا بش خو رشید و سعی با د و بارا ن را چه شد
شهریا را ن بو د و خا ک مهر با نا ن ا ین د یا ر
مهربا نی کی سر آ مد شهریا را ن را چه شد
صد هزا را ن گل شگفت و با نگ مرغی بر نخا ست
عند لیبا ن را چه پیش آ مد هزا را ن را چه شد
حا فظ ا سرا ر الهی کس نمیدا ند خمو ش
از که میپر سی که دور روزگا را ن را چه شد
Je ne vois plus d’amitié,
Où sont-ils allés les amis?
Comment les attaches se sont-elles défaites ?
Et les amitiés péries?
De la générosité jadis si abondante,
Depuis bien du temps,
Aucun trait n’éclaire ces champs.
Qu’en est-il des rayons du soleil, de la rage du vent,
Et la plénitude des pluies?
C'était la cité d'amour et de prévenance cette terre.
La fraternité, quand s'est-elle éteinte ?
Où sont-ils passés les rois ?
Cent- mille fleurs s'épanouissent,
Mais aucun oiseau ne chante.
Où sont-ils envolés les rossignols? Qu’en est-il des moineaux?
Hafez, personne n'est dans les secrets divins,
Ne lamente donc pas en vain,
Les tours capricieux du destin.
L’héritage de Hafez
Hafez n’a pas besoin d’être idolâtré. Chercher à lui attribuer des vertus qu’il a vivement désavouées ne le rend pas plus grand. Ses sonnets miroitent l’essentiel de la nature humaine dans sa forme la plus pure, propulsé par la joie de vivre et la recherche des plaisirs terrestres, tout en restant conscient que la mort guette pour y mettre fin.
بمی عما رت دل کن که ا ین جها ن خرا ب
بر آ ن سر ا ست نه ا ز خا ک ما بسا زد خشت
Retapes-en ton cœur du vin
Car le sale destin,
Te guette pour te faire le comble :
Des briques faites de la terre de ta tombe !
Pourtant la mort ne lui inspire pas une peur démesurée. Hafez accueille la mort avec une sérénité que seuls des êtres de sa trempe en sont capables. Dans un sonnet d’adieu il toise la mort :
حجا ب چهره حا ن میشود غبا ر تنم
خو شا د می که ا زین چهر ه پرد ه برفکنم
چننین قفس نه سزا ی چو من خوش ا لحا نی ا ست
روم به گلشن رضو ا ن که مرغ آ ن چمننم
عیا ن نشد که چرا آ مد م چرا رفتم
د ر یغ درد که غا فل ز کا ر خویشتنم
Comme une auréole de poussière,
Mon corps voile mon âme.
Joyeux le moment où l’heure sonne,
Et le rideau tombe.
Une telle cage ne mérite point,
La virtuosité de mon âme.
Mon esprit s’envole vers l’éden,
Je suis oiseau de ce jardin.
Hélas nul n’a fait lumière sur l’énigme,
Pourquoi suis-je venue? Où est-ce qu’on s’en va?
Je fais donc ma révérence,
Sans rien compris de l’existence.
Hafez est bien conscient que sa poésie et son héritage constituent un trésor que sa mort ne pourrait faire disparaître :
هرگز نمیرد آنکه دلش زنده شد بعشق ثبت ا ست در جریده عالم دوام ما
«N’expire jamais celui dont le cœur reste allumé de flamme d’amour. Ma pérennité est inscrite aux annales de l’existence. »
A la postérité il dit, non sans une certaine préscience :
از سر تربت من چون گذ ری همت خوا ه
که زیارتگه رندا ن جها ن خو ا هد بو د
برو ا ی زا هد خو د بین که ز چشم من و تو
راز این پر ده نها ن ا ست و نها ن خواهد ما ند
Sur ma tombe,
Lors que tu y croise,
Fais un vœu, demande l’entrain,
Car le lieu où je gis,
Sera le pèlerinage,
Des esprits libres.
Regarde- bien ! ô clergé vertueux,
Les mystères derrière ce rideau
Se cachent à jamais de nos yeux.
Annexe I
Hafiz, poète iranien du quatorzième siècle
Note biographique
Parmi les iraniens et d’autres peuples d’expression persane Hafez est connu comme une de plus lumineuses étoiles de leur patrimoine culturel. Au-delà des acclamations littéraires inégalées, sa poésie continue d’être accueillie par les couches populaires avec une aire de magnétisme céleste. Les Iraniens consultent le Divan – le recueil de sa poésie - pour inspiration dans des passages cruciaux de leurs vies.
Il est ainsi à peine surprenant que sa biographie, du même que sa vision et pensée aient fait l’objet d’interprétations contrastées voire de manipulations et distorsions. Les légendes crées autour de sa vie visent à lui accorder des qualités supra- naturelles ou de l’idolâtrer. Une des plus savoureuses de ces fables le présente comme un orphelin démuni qui auditionna en cachette l’école, apprit le Coran par cœur alors qu’il était apprenti chez un boulanger ; Il tomba amoureux d’une femme de la haute société, et rejeté, il se mit en méditation et contemplation jusqu'à une nuit magique où il reçu l’aumône divine : Le don de la poésie.
وش وقت سحر از غصه تجاتم دادند وان د ر آ ن ظلمت شب آ ب حیا تم دا دند د
La veille à l’aube ils m’ont ôté tous chagrins, et dans la pénombre j’ai retrouvé la jouvence.
Des recherches plus poussées ont établi que Hafez fut issu d’une famille de classe moyenne qui veilla à son éducation primaire et sans doute sa formation supérieure, celle-ci sous tutelle d’un maître savant conforme à la pratique de l’époque. Né aux alentours de 1316 à Chiraz, Hafez devint un jeune homme raffiné et érudit sans doute aidé par ses facultés innées. Versé dans la poésie classique arabe et perse, il apprit à réciter le Coran par cœur et, selon certains récits, enseigna l’exégèse du Coran dans un séminaire à Chiraz utilisant un ouvrage du début de quatorzième siècle intitulé Kashaf .
Hafez ne tarda pas à devenir l’un des favoris du roi Cheikh Abu Issak Injou qui lui accorda son patronage et pour qui Hafez aurait éprouvé une authentique affection (voir le texte principal). Injou qui régna depuis Chiraz sur les provinces de Fars, Kirmân et Ispahan entre 1342 à1354, était selon l’explorateur arabe Ibn Batuta un homme de cœur bien aimé par son peuple. D’autres chroniqueurs ont toutefois relevé ces excès d’insouciance, son manque de jugeote politique et son goût pour la débauche. Des ressources précieuses auraient été bradées dans des campagnes militaires vaines contre son rival, Amir Mubarez uddin Mozafar. Celui-ci établira plus tard la dynastie Muzaffarid après qu’il parvint à évincer Abu Issak et de le faire décapiter sur la place publique. Hafez, selon toute vraisemblance, était présent à Chiraz au moment de l’exécution de son patron-mécène et en était peut-être le témoin oculaire. Il écrivit une émouvante élégie pour le roi déchu,qui est traduit dans le texte principal.
Amir Mubarez uddin Mozafar fut un homme outrageusement dur et fanatisé. Il proclama allégeance au Calife exilé au Caire. Celui-ci était pourtant sans pouvoir depuis que, un siècle auparavant, le conquistador mongol Hulagu avait mit fin au Califat à Bagdad. Amir Mubarez établira un régime puritain à Chiraz et, au grand chagrin du poète, ordonna la fermeture des tavernes. Il procéda à conquérir les provinces du Azerbaïdjan et de l’Irak avant d’être arrêté et aveuglé par ses propres fils qui redoutaient le châtiment du souverain pour des fautes qu’ils eurent commises.
Pendant cette période Hafez, aigri, écrivit des poésies pleines de mélancolie et de sarcasme dénonçant l’hypocrisie pieuse des clergés et celle de luminaires sufis.
Shah Shujaa qui remplaça son père entant que roi, restitua Hafez à son ancienne prééminence et lui accorda son patronage. Certains chercheurs, se basant sur l’emploi des mots propres à la bureaucratie dans quelques vers, estiment que sous Shah Shujaa, Hafiz aurait exercé des fonctions administratives (یوانی د). Sans vouloir se prononcer sur ce point, il convient de préciser que dans sa poésie Hafez a traité un large éventail de sujets. Il est connu pour avoir eu des relations avec des gens venants d’horizons fort variés.
Vu ses liens étroits avec le roi Isaak Injou, il semblerait que déjà à son jeune âge Hafiz avait acquis une notoriété certaine. Au fil des années qui suivirent sa renommé s’étendit à des provinces lointaines de l’ancien empire. Selon certains récits il eut été invité par le roi de Deccan à visiter l’Inde; il aurait aussi reçu invitation de la part du Sultan Ahmed Jalayer Ilkhani à visiter Bagdad. Hafez n’était jamais enthousiasmé par les voyages. Le seul déplacement qu’on le connaît avec certitude c’est celui qu’il effectua à Yazd , de suite d’une brouille avec le roi Shah Shujaa. Il semblerait qu’à cette époque il aurait eu aussi des ennuis avec la justice, ce qui pourrait expliquer son absence de deux ans de Chiraz . Le dirigeant de Yazd ne s’avéra pas un mécène généreux et Hafez, déçu et nostalgique, retourna à sa ville natale sous la protection du grand vizir Jallal-uddin Touran-shah. Bien que Hafez parvienne à récupérer la bonne grâce du roi, sa poésie fait état de périodes où il serait désargenté.
La dernière décennie de la vie et de la carrière de Hafez coïncident avec une période d’instabilité, marquée par des conflits irrédentistes. Ceux- ci avaient été accentués par la mort prématurée du Shah Shujaa en 1385. Son héritier au trône Zeinulabedin Yahya n’a pas eu la même carrure que son père et les princes Muzaffarids contestèrent son autorité. Mansûr le neveu du Shah Shujaa qui finira par arracher le pouvoir, régna quelques années à Chiraz mais a dû faire face à un redoutable défi, venant cette fois du conquistador Uzbek Tamerlan (1388-1405). Celui-ci a conquis Chiraz une première fois en 1388 et de nouveau en 1392. La deuxième conquête a eu lieu suite à un combat épique entre le roi Mansûr et l’armée puissante de Tamerlan au cours duquel Mansûr se fait tué après avoir infligé des lourdes pertes aux envahisseurs.
Hafez avait noué des liens amicaux avec le Shah Mansûr mais les guerres, et le rythme rapide des changements le laissèrent sur la paille à sa vieillesse. Le récit de sa rencontre avec le conquérant Ouzbek Tamerlan (voir la note de bas de page10, page 9) porte témoignage à cet état de dénuement tout en miroitant les aléas de fortunes. Paradoxalement cette rencontre est aussi une marque de reconnaissance de l’indice du succès dont jouissait le poète de son vivant. Et pourtant, dans les chroniques de 14e siècle, alors que sa poésie est citée de temps à autre, son nom apparaît rarement.
Ce n’est qu’à partir du 15e siècle qu’il s’est vu accorder une reconnaissance à part entière. Son anthologie, connue comme divan, aurait été compilée par un ami ou disciple, une vingtaine d’année après sa mort, survenu en 1390 . Dans l’introduction de cet ouvrage l’auteur fit certaine allusions aux traits du caractère et du train de vie du poète. Il en ressort que Hafez était un homme affable qui se mêlait avec les riches et les savants autant qu’avec les déshérités et les incultes et aimait côtoyer les jeunes.
Hafez avait une nature tendre et affectueuse; il s’attachait facilement à ceux qui l’entouraient et détestait la malice et la cruauté. Dans un commentaire passager il écrit :
مبا ش در پی آزار و هر چه خوا هی کن
که د ر شر یعت ما عیر ا زین گناهی نیست
Faites ce qui vous plait dans la vie,
Sauf faire du mal à l’autrui!
Des tous péchés qui encombrent la vie,
Il n’y a que ça dans mon édit.
Hafez se maria et eu un fils. Ce n’est pas clair, à quelle étape de sa vie ce mariage a eu lieu, mais l’on sait que sa femme et son fils ont tous les deux trouvés la mort en jeune âge. Hafez évoque ces tragédies affectueusement:
قره العین من آ ن میوه د ل یا د ش باد
که چه آ سان بشد و کار مرا مشکل کرد
آه و فریا د که ا ز چشم حسود مه چرخ
د ر لحد ما ه کمان ا بروی من منز ل کرد
La lumière de mon âme, la perle de mon cœur,
Si soudain fut son départ
Et si lourd mes chagrins,
Regarde bien le ravage du destin,
Le mauvais œil de la lune envieux,
Se jeta sur elle et l’enveloppa du linceul.
Se référant à son fils il écrit :
دلا د یدی که آ ن فرزا نه فرزند
چه دید اند ر خم ا ین طا ق رنگین
بچا ی لوح سیمین د ر کتارش
فلک بر سر نهادش لوح سنگین
As-tu vu le sort qu’a subi mon fils
Sous cette voûte- céleste colorée ?
Au lieu d’une belle à ses côtés,
Ils lui ont remit une pierre tombale sur la tête.
Hafez mourra en 1390 et fut enterré à Chiraz dans le jardin de Mossala dont il avait vanté la magnificence dans sa poésie et qui est connu aujourd’hui, d’après lui, sous le nom Hafezieh.
Annex II
SELECTED BIBLIOGRAPHY
I – Divan’s old manuscripts :
1- Khalkhali manuscript dated 827 H.G ( 1424), private collection, Iran
2- Meraat manuscript circa 827 (1424), private collection, Iran
3- Nakhjavani manuscript early early 15th century
4- Bodleian library manuscript, Oxford, England 843 H.G ( circa1439)
5- Eghbal manuscript ( ninth century H.G (15th century), private collection,Iran
6- Manuscript in Chester Beatty library ( Dublin Ireland) done in 853 H.G (circa1449)
7- Library of the Majlis manuscript ( the lower House of the Parliament), Tehran; dated 854 H.G. (circa 1450)
8- British Museum Library manuscript, London, 855 H.G ( circa1451)
9- Bibliothèque Nationale de Paris, 857 H.G (circa1453)
10- Library of the Majlis manuscript, dated 858 H.G.( circa1454), Tehran
11- Leiden Society Library manuscript Leiden Netherlands , 894 H.G (circa1489)
12- Vienna National Library manuscript, 900 H.G (circa1495), Austria
13- Library of the Majlis manuscript done by Sultan Mohamad Nour, circa 900 H.G (circa1495), Tehran
14- Taghavi manuscript done by Sultan-ali dated 905 H.G (circa1500),provate collection, Iran
15- Ghani (Hindu) manuscript presumed to be fairly recent but copied from an old manuscript; no date. Private collection, Iran
16- Tehran National Library manuscript undated but presumed in great part to be very old,
17- Library of Madressah Âli Sepahsalar, (Sepahsalar Grand Seminary) manuscript dated 917 H.G (circa 1511), done by Monaeem- uddin Ohaadi Shirazi Tehran,Iran.
18- Library of Oriental Languages manuscript, Saint Petersburg, Russia, 939 (1532)
19- Berlin State Library manuscript, Germany, 942 H.G (circa 1535)
20- Cambridge Society Library manuscript, England, 973 (circa 1565)
21- Cairo National Library manuscript, Egypt, 976 circa (1568)
22- Tehran National Library manuscript known as “Alef” presumed 16th century.
II – Other relevant manuscripts
1- Daulatshah Samarghandi b.1487AD. "Taz-kirat-ushu'ara", ( a chronicle of poets, contains a chapter on Hafiz; an English translation has been published by Leeds University Press).
2- Khondamir: “Habibul sayre”, ( contains relatively substantial amount of information on Hafiz) printed from manuscript in Tehran, 1953.
3- Jami, Abdul-rahman Nafahatul Onsse, written in 1476 C.E. ( relates the lives of eminent Sufi personalities and has a significant passage on Hafiz), printed from Manuscript inTehran.
4- Zamkhashri, Jarullah. Kash’shaf; Tafsire Ghoraan karim ( a text book interpretation of Koran which was used by Hafiz possibly for his lectures at Shiraz college), written on early 14th century.
5- Hafizabrou, Shahabuddin Abdullah Tarikh A’al Mozaffar ( a history of Mozzafarid dynasty written in two volumes circa1417 AD).
6- Hafizabrou, Shahabuddin Abdullah, Joghrafiaye Tarikhi, ( Geographic History), manuscript in private collection early 15th century.
7- Zarkoub- Shirazi, Abul-abassas shiraznameh, printed from manuscript in Tehran
III -_Recent Persian language literature on Hafiz
(Unless otherwise indicated all dates are Persian solar calendar. In some of the citations below the name of the publisher or the year of publication is missing.)
1- Afshar, Iraj: divan kohneh hafez, Tehran, 1348
2- Afshar, Iraj: maghaleh shenasi Hafez, Hafez shenasi, 5th vol. Tehran,
3- Alavi, Parto: “bânk’e jarasse: rahnemaye moshkelat divan hafez”; Tehran 1349
4- Anjavi Chirazi, Seyyed- Abolghassem: Divan hafez; Tehran 1345.
5- Bahrul-oulumi, Dr. Hussein in Dr. Rastegar Fassaie ed. “She’er va zendegui Hafez” , Teheran 1350,
6- Bamdad, Mohamad-Ali, Hafez-shenasi, Tehran, 1326
7- Dashti, Ali Naghshi az Hafiz, Tehran Amir Kabir publishing house.
8- Eslami -Nadoushab, Dr. Mohamad –Ali: Majeraye payan napazir hafez; Yazdan publishers, 1368
9- Farzad, Masoud, chand ne’mouneh az matne dorost’e Hafez, Cairo, 1942.
10- Farzad, Masoud, dar jostejouye hafez sahih,3 vol. University of Shiraz press, 1347
11- Ghani, Dr. Ghassem, “bahsse dar âssar va afkâr va ahval hafez: tarikhe asre hafes dar gharne hashtim”; author’s introduction, page SA. Third edition, Zavar publishing house, Tehran 2535 imperial calendar).
12- Ghazvini, Allameh Mohammad and Ghani, Dr. Ghassem: Hafez. Fifth ed. Asatir publishing House, Tehran 1374;
13- Kasravi, Ahmad: Hafez cheh migouyad; Tehran 4th print 1335.
14- Khanlari, Dr Parviz Natel, Ghazahhaye khajeh Hafez Shirazi, Tehran 1337.
15- Khoramshahi,Bahauddin; Hafez-nameh, 2 vol. Tehran 1366; Sourush
16- .Hazhir, Abdulhussien: Tashrih Hafez; Tehran 1343
17- Heravi, Hussien-Ali: Maghalat Hafez, Ketab-Sara publishing house. Tehran 1368.
18- Houman, Mahmoud, Hafez shirazi, edited by Ismaeil Khoei, Tehran 1347,
19- Homayoun-Farrokh, Roknuddin, Hafez kharabati, Tehran 1354.
20- Mallah, Hussien-ali: Hafez va mousighi; honar va farhang pubishing House,
second ed. 1363.
20- Khalkhali, Seyyed Abdulrahim, divan hafez az rouye noskheh khati saneh 827 h.g., Tehran 1306.
21- Mortazavi, Mauchehr, Makatab Hafez ya moghdameh bar hafez-shenasi, Tehran 1344
22- Pezhman Bakhtiari, Hussien, divan lessanul gheib khajeh shamsuddin mohamd hafez shirazi; Ibn Sina publishing house, Tehran 1342.
23- Rajaie,Dr. Ahmad-Ali: Farhangue ashâr Hafez, Zawar publisheres Tehran 1340.
24- Mo’iin, Mohamad: Hafez shirin sokhan; Parvin publishers, Tehran 1319.
25- Riahi, Dr Mohamad –Amin: Golgasht dar sheer va andish Hafez , Elmi publishing house, Tehran 1368
26- Shâmlou, Ahmad, Hafez Shiraz; Tehran 1336.
27- Zarkoub, Dr. Abdulhusien “ Az Kouche’h Rendan” pp.163- 164 . Amir Kabir publishing House Tehran 2536 (imperial calendar).
28- Zaryab Khoei, Dr. Abbas, ‘Aiineh’e djâm: Sharhe moshkelat’e divan Hafez”,
IV – Litterature on Hafiz in English and other languages
1- Arberry, A.H. Fifty poems of Hafiz, Cambridge, 1953,
2- Aryanpur-Kashani,Abbas, Odes of Hafiz, poetical Horoscope, Mazada Publishers, 1884, Lexington, US.
3- Bell, Gertrude Lowthian : The Teachings of Hafez; (first published in1897); E.Denison Ross (Introduction): Octagon Press, 1985 London. Also available on URL: http://www.sacred-texts.com/isl/hafiz.htm
4- Boyce, M.A. Novel Interpretations of Hafiz, BSOAS, 1953.
5- Browne Ebdward G: A Literary History of Persia. 4 vols. Cambridge: Cambridge UK, 1964.
6- Coleman Barks ( Translator) Inayat Khan (Editor): The Hand of Poetry: Five Mystic Poets of Persia: Translations from the Poems of Sanai, Attar, Rumi, Saadi and Hafiz: Lectures on Persian Poetry; Omega Publications; (November 2000).
7- Defrémery C. and BR Sanguinetti eds: The Travels of Ibn Batt`uta A.D. 1325-1354 translated by H.A.R. Gibb. London: Hakluyt Society, 1994
8- Defrémery, Charles in the Journal Asiatique for 1844 and 1845, Paris
9- Dunn, Ross E.: The Adventures of Ibn Battuta : A Muslim Traveler of the 14th Century; University of California Press; Reprint edition (April 1990) University of California Press; Reprint edition (April 1990).
10- Farzad, Masoud, Hafez and his Poems, London 1949.
11- Hillmann, Michael C.: Shamsedin Hafiz, Translated by; IBEX publishers, 1975.
12- Hillmann, Michael C. Unity in the Ghazals of Hafez, Bibliotheca Islamica, Incorporated, 1976
13- Landinsky Daniel , (Translated by)The Gift: Poems by Hafiz the Great Sufi Master. Penguin USA, 1999
14- Malcolm, Sir John History of Persia, Two vol. 1815,
15- Ouseley, Sir Gore 1770-1844, A biographical essay on Hafiz, ( out of print) no citation available
16- Sudi Bosnavi, Ahmad: Commentary on Divan, written circa 1595, Bulagh publishers,Istanbul 1834, (translated into Persian by Dr. Essmat Sattarzadeh).
17- Saberi, Reza , (Translator) : Hafez ; University Press of America;1995’
18- Sykes, Sir Percy, A history of Persia, vol. II, Macmillan 1963, London.
19- Von Hammer-Purgstall, Baron Joseph (1774- 1856.) "Divan of Hafiz” Stuttgart and Tübingen, 1812-13).
20- Wiberforce-Clarke, Henry: Hafez, IBEX publishers, 1997, US
.
Par Darioush Bayandor
Hafez , le plus célèbre prodige de la poésie lyrique iranienne qui vivait au quatorzième siècle à Chiraz, le chef- lieu de la province de Fars, fut aussi la bête noire des ulémas de son époque. Les traces de ses affrontements avec ces derniers se trouvent partout dans sa poésie. Par ailleurs, Hafez a été présenté, aussi bien en Iran qu’à l’étranger, comme un poète mystique orienté vers le Sufisme. Cette supposition qui a traversé les siècles en truisme à peine contesté n’a pas manqué de dénaturer l’héritage de Hafez dans sa perception commune. Dans un cas ou l’autre c’est la puissance hors norme de son message et les constructions magistrales de sa poésie qui incitent les travestissements malveillants.
Cet article s’intéresse au champ de collision entre un poète qui transgresse les tabous au sein d’une société médiévale orientale et le dogmatisme ambiant. Il cherche, en outre, à présenter le poète et son patrimoine tel qu’ils ressortent de ses ouvrages sans y voir une face occulte ni sens déductif. Les traductions d’une sélection restreinte de ses sonnets, pour lesquelles l’auteur assume la responsabilité, représentent un effort de transmission du sens, adaptées à la langue française. Elles ne prétendent nullement à l’exactitude textuelle. Il va sans dire que la beauté sublime de la poésie de Hafez et les subtilités dans la construction de ses vers sont impossibles à saisir dans la traduction. Ce texte est accompagné en annexe d’une note biographique ainsi que d’une bibliographie.
Hafez et uléma
Durant tout son parcours de poète Hafez fut harcelé par le clergé de Chiraz. Ceci n’était pas uniquement dû à son mode de vie peu pieuse, portée par l’adulation du vin et les plaisirs terrestres mais sur tout à cause de ses commentaires acerbes à propos de l’hypocrisie du clergé et les préceptes réducteurs qu’ils enjoignaient. Le Divan, (le recueil des ses œuvres) est plein des vers qui reflètent ce conflit. Voici quelques sélections.
واعظان کاین جلوه د ر محراب ومنبر میکنند
چون به خلوت میروند آن کارد یگر میکنند مشکلی دارم ز دا نشمند مجلس باز برس توبه فر مایان چرا خود توبه کمتر میکنند
گوئیا باور نمیدارند روز دا وری
کاین همه قلب و دغل در کار داور میکنند
(Traduction)
Ces prédicateurs qui brillent en vertu,
Aux autels et sur les pupitres,
En retrait,
Seraient-ils si purs, si limpides ?
J’ai une question au savant du cercle :
Pourquoi ces prêcheurs de repentance
No se repentent-ils jamais.
Croient-ils au jugement dernier ?
La divinité pervertie, jetée sous une fausse lumière ?
Dans le vers suivant c’est le philosophe gouailleur qui s’exprime :
گر زمسحد به خرا با ت شد م خو رده مگیر مجلس وعظ درا ز ا ست و زما ن خوا هد شد ایدل ار عشر ت امر وز به فردا فکنی
مایه نقد بقا را که ضما ن خوا هد شد ماه شغبان منه ا زد ست قدح کاین خورشید
ا زنظر تا شب عید رمضا ن خوا هد شد
Si je passe de la mosquée à la taverne,
Ne m’en tiens pas rigueur,
Car les serments y sont longs,
Et le temps ne s’arrête pas
Ô’mon ami, ne remets pas les plaisirs d’aujourd’hui à demain,
Qui se portera garant ?
Que demain sera au rendez- vous !
C’est le mois de Sha’abân ,
Ne cesse pas de boire,
Tout comme les caprices du soleil,
Le pot peut disparaître au Ramadân !
Hafez toujours moqueur et insolent, exhibe son individualisme dans la strophe suivante:
عیب رندا ن مکن ایزاهد باکیزه سرشت که گناه دگران بر تونخواهند نوشت.
من اگر خوبم و گر بد تو برو خود را باش . هر کسی ا ن درود عا قبت کار که کشت.
نا امید م مکن ا ز سا بقه لطف ا ز ل
تو بس برده چه دا نی که خوبست وکه زشت. که
حافظا روزاجل گر بکف ا ری جا می
یکسر ا ز کوی خرا با ت برند ت به بهشت
Ô’ noble clergé,
Ne tourmente pas les esprits libertins,
Leurs péchés, ils ne te seront point reprochés.
Je peux être vil ou vertueux,
Occupes-toi de tes affaires,
L’on ne récolte que ce que l’on sème.
Ne me désespère pas de la merci divine
Au-delà de ce rideau
Du bien, du mal....
Qui dira le pire et le mieux?
Ô 'Hafez, si avant ton dernier souffle,
Tu prends une gorgée du vin,
Vers les Cieux,
Te sera lumineux le chemin.
Il faut bien souligner que ce n’est pas uniquement la bondieuserie du clergé qui est en cause. Dans plusieurs des ses vers Hafez s’éloigne de l’orthodoxie ambiante et brave les tabous infranchissables. Des métonymies telles que « mettre en gage son tapis à prière » pour « se procurer du vin » ou bien le tacher de vin selon le désir de son maître, constituent des motifs récurrents dans sa poésie . Dans une pique d’extase il chante :
ما مرید ان روی سوی کعبه چون آ ریم چون روی سوی میخا نه داردپیرما
« Comment pourrai-je me tourner vers la Ka’ba? C’est vers la taverne que mon maître se dirige.
Plusieurs anecdotes, passées d’une génération à l’autre, témoignent du mépris dans lequel uléma tenaient le poète . Si cette hostilité se manifestait rarement dans les actes de vengeance, la nature de la société perse du 14e siècle et la place qu’occupait Hafez dans la société y sont pour quelques choses. La renommée de Hafez déjà pendant sa vie dépassait sa ville natale et - si l’on en croit certains récits – se serait étendu à l’Asie centrale voire méridionale. Hafez sans doute avait ses défenseurs et disciples et profitait de surcroît de la protection des milieux influents notamment celle des ses mécènes royaux .
Nombres de chercheurs ont évoqué le refus des mollahs de lui administrer à sa mort les rites funèbres musulmans . D’autres ont fait état de profanation de sa tombe par des zélotes. Bien que ces affirmations ne se reposent pas sur des indices fiables, l’hypothèse n’est guère invraisemblable. Selon l’une de ces anecdotes la chamaillerie sur la cérémonie funèbre entre les mullahs serait résolue une fois qu’ils décidèrent de recourir à la pratique de divination en utilisant comme guide le Divan ou le recueil des poèmes de Hafez. Ceci fait, ils tombent sur un sonnet qui se termine ainsi :
قدم دریغ مدار از جنا زه حافظ
که گرچه غرق گناه ا ست میرود به بهشت
Ne ménage point quelques démarches derrière mon cercueil ;
Noir des péchés tel que je suis,
Ma place sera au paradis.
L’anecdote est de véracité douteuse car le Divan ne fut compilé qu’une vingtaine d’années après la mort du poète survenue en 1389 . La pratique de chercher l’inspiration moyennant le Divan - devenu courant par après – ne pourrait pas avoir déjà commencé à cette époque. L’anecdote est néanmoins révélatrice de l’existence d’un malaise qui ne disparaîtra totalement même dans les temps modernes. L’historien britannique Sir Percy Sykes (1865-1945) en faisait état en se disant témoin oculaire d’une instance de profanation de la tombe de Hafez à Chiraz en 1916.
Une autre instance du rudoiement de Hafez par l’uléma est bien notoire. Cette fois le récit est étayé sur sa propre poésie. Alors que les chroniqueurs ne sont pas unanimes sur les séquences et l’identité des protagonistes de cette petite histoire, sur sa véracité il n’y a pas de contestation . Ainsi mérite-elle d’ être racontée ici : Dans un des ces vers Hafez avait raillé l’hypocrisie d’un chef religieux, confident du roi, au nom - selon certains- de Mir Emad Faghih Kermani . Celui-ci prétendait avoir dressé son chat à se prosterner d’après lui lors des prières quotidiennes ou « nemaz ».
ای کبک خوشخرا م که خوش میروی بنا ز
غره مشو که گربه زاهد نما ز کرد
Ô’ magnifique perdrix, ne te pavanes pas avec tant d’orgueil
Le chat de notre cheikh sait faire le ‘nemaz’
Furieux, les clergés attendent leur tour pour se venger. L’occasion ne tarde pas à se présenter lors que dans l’un de ses vers Hafez médita:
گر مسلما نی از این است که حا فظ دارد
وای اگرا ز پس امروز بود فردا ئی
Hafez, un vrai Musulman ne se ressemble guère à toi.
Gare à toi s’il existait l’au-delà."
Le vers fut interprété comme preuve irréfutable d’apostasie du fait que Hafiz aurait semé de doute sur la véracité de ‘l'au-delà’. Il serait question d'une fatwa à l’encontre du poète.
Hafez prit peur et consulta confidentiellement un ami juriste que lui donna son conseil conforme à la jurisprudence islamique selon laquelle si les faits susceptibles d’inculper un Musulman pour le crime d’apostasie pouvaient être imputés à un tiers non- Musulman, ceci occasionnera un non- lieu du fait que les membres des autres confessions ne seraient pas tenus d’accepter les édits visant les Musulmans.
Alors Hafez couva dans une planque durant quelques jours au bout desquels Il inséra un patch juste avant le passage qui avait suscité la polémique. Il le fit avec un naturel magistral et un rythme parfait - insaisissable en traduction- à l’instar d’un maître restaurateur qui restaure un tableau sans laisser la moindre trace
این حد یثم چه خوش ا مد که سحرگه میگفت
بر در میکده ای با دف و نی ترسائی
گر مسلما نی از این است که حا فظ دارد
وای اگرا ز پس امروز بود فردا ئی
A l’aube, sortant de la taverne,
J’ai été ravi d’entendre l’infidèle.
Il me charria en chantant:
Hafez, un vrai Musulman,
Ne se ressemble guère à toi
Gare à toi si existait l’au-delà."
Le message de Hafez
Pour Hafez la vérité humaine réside dans la poursuite des instincts naturels plutôt que dans leur abnégation. Il se présente à la fois comme séducteur et séduit, entiché des femmes et du vin et emporté par les plaisirs temporels.
ز حسن روی جوا نا ن تمعتعی بردار
که در کمینگه عمر ا ست مکر عا لم پیر
Savoures-en de beauté de la jeunesse.
Car te guette à l’affût la perfide vieillesse.
Pour lui, l’infamie vaut mieux que le piétisme et la tromperie de l’au- delà. Seuls les esprits malsains, dit-il dans un des ses mémorables sonnets, laissent le palpable pour des promesses illusoires.
کنون که میدمد ا ز بوستان نسیم بهشت
من وشرا ب فرحبخش ویا ر حورسرشت
گدا چرا نزند لا ف سلتنطت ا مروز
که خیمه سا یه ا بر است وبزمگه لب کشت
چمن حکا یت ا رد یبهشت میگوید
نه عا قلست ا نکه نسیه خرید و نقذ بهشت
Le vent d’un parfum grisant,
Souffle par-dessus des prés,
Assis, folâtre avec du vin égayant,
A côté d’une femme de beauté céleste,
Pourquoi l’indigent ne prétendrai-il pas à la couronne?
Son auvent l’ombre des nuages,
La prairie lieu de son festin.
Les verdures annoncent l’arrivée du printemps,
Nul esprit sain laisse le palpable,
Pour les promesses du lendemain.
Le Divan est plein d’allusions directes ou métaphoriques de telle nature. Leurs fréquences excluent toute supposition qu’elles seraient fortuites ou inhabituelles. Pouvoir revendiquer son identité et ses valeurs propres et façonner sa vie autours d’elles est la base de sa pensée. Ainsi son individualisme se heurte-il contre la recette de salut proposée par les religieux. Hafez admet bien volontiers être pécheur mais il plaide non coupable devant sa propre conscience. Le Créateur ne pourrait pas avoir instillé des instincts dans la nature humaine et punir ses créatures pour s’en servir.
Cette sérénité le conduit à traiter des thèmes tabous avec désinvolture voire insolence. Dans un de ses plus célèbres sonnets il chante :
دوش دیدم که ملا یک در میخا نه زدند
گل ا دم بسرشتند و به پیما نه زدند
سا کنا ن حرم ستر عفاف ملکوت
با من را ه نشین با ده مستا نه زدند
آ سما ن با ر اما نت نتوا نست کشید
دند قرعه فا ل به نا م من دیوا نه ز
A l’aube j’ai rêvé
Que les anges frappaient à la porte de la taverne !
De l’argile d’Adam,
Elles façonnaient des calices,
Pour en boire du vin.
Les nymphes du sérail divin,
Assises prés de moi, le vagabond
Se délectaient, grisées du vin
Les cieux n'auraient pu garder le secret,
Le sort m'en incomba le fardeau,
Moi, l'aliéné, le chemineau.
Hafez est pourtant préoccupé par la divinité et la métaphysique. Pour lui la création est un mystère au-delà de la portée humaine. Cette vision agnostique de l’existence est répercutée dans plusieurs des ses sonnets dont la dernière strophe d’une de ses plus célèbres odes, dont voici certains vers sélectionnés.
اگر ا ن ترک شیرا زی بدست آرد دل ما را
به خا ل هندوش بخشم سمرقند وبخا را را
بده ساقی می باقی که در جنت نخوا هی یافت
کنا ر اب رکنا با د و گلگشت مصلا را
من ا ز ان حسن روزا فزون که یوسف دا شت دانستم
که عشق ا ز برده عصمت برون ارد ذ لیخا را
نصیحت گوش کن جا نا که ا ز جا ن دوست تر دارند
جوا نا ن سعا دتمند پند پیر دانا را
حدیث ا ز مطرب و می گو و را ز دهر کمتر جو
که کس نکشود و نگشا ید به حکمت ا ین معما را
« Si cette belle turque du Chiraz cède à mon désir,
Seul pour son grain de beauté hindou,
Je cèderais Samarkand et Boukhara .
Ô, jolie tavernière, remplis mon verre du vin éternel,
Car au paradis,
Rien n'égale le ruisseau de Roknabad*,
Ni le jardin de Mossala .
Du charme grandissant de Joseph,
J'ai compris que l'amour,
Allait briser le vœu de chasteté de Zuleikha.
Ecoute bien mon ange, le conseil doré du vieux sage:
Ne parlons que du vin et de la musique,
Et ne cherchons point les secrets de l’univers.
Car, nul être n’a jamais su,
Ni saura résoudre ce mystère ».
La mystification de Hafez
Alors que les assauts doctrinaires dont fut l’objet Hafez durant sa vie et au-delà sont facile à appréhender, la tentative de la contorsion de sa vision et philosophie, est insidieux et difficile à scruter. L’entrée fracassante de Hafiz dans le paysage culturel de l’Iran du 14e siècle ne saurait laisser les milieux intellectuels et religieux indifférents. Déjà pendant sa vie, Hafez aurait trouvé la notoriété dans les provinces de l’ancien empire et en Inde . La fraîcheur de sa vision et pensée, enchâssées dans des vers rythmiques inégalés, sa maîtrise de métaphore de métonymie et avant tout de l’aphorisme - formulé dans un langage simple et accessible même aujourd’hui aux couches populaires - ne tardera pas d’en faire un monument d’art lyrique ainsi qu’une idole du peuple.
Un procédé insidieux de mystification de Hafez moyennant la perversion de son message est désormais mis en marche. Le franc-parler du poète en adulation du vin et la poursuite des plaisirs temporels s’est vu donner un tournure ésotérique ; On y accorde un sens gnostique à chaque métaphore. Le Divan reçoit l’appellation « lissanul-gheibe لسا ن الغیب » ou la langue des mystères. Progressivement, il devient un dogme intellectuel, de compter Hafez parmi les poètes mystiques . Comment ceci est-il arrivé au juste, ce n’est pas facile à documenter avec précision. L’on peut, par contre, esquisser un schéma historique dans lequel cette transfiguration pourrait être mieux appréhendée.
A partir du 12e siècle le Sufisme devient le courant de pensée dominant parmi les hommes de lettres et pensées en Iran ainsi que dans le monde Arabo- Musulman. Ses années formatives furent sans doute marquées par les enseignements des grands maîtres Sufis, tels que Farid’uddin Attar Neichapouri (1142-1221), Seyyed Jallal’uddin Mohammed, dit Molavi Rumi (1207-1273) ou encore Shahab’uddin Sohrevardi (12e siècle) qui avaient quasiment saturé le climat intellectuel de l’époque.
Les origines et le contenu du Sufisme dépassent les limites du présent article. Il suffit de rappeler que le Sufisme est enraciné en Islam et y reste encré. Il a été, selon toute vraisemblance, influencé par le panthéisme grec et les tendances philosophiques indiennes d’abstinence et d’ascétisme. Au fond, il s’agit d’une école théophilosophique qui revendique l’unité du Créateur avec ses créatures. L’individu devrait atteindre la divinité au bout d’un parcours laborieux marqué par l’abstinence qui lui permet de découvrir la vérité sur terre. D’aucuns ont perçu et projeté le Sufisme comme une échappatoire par rapport à la rigidité qui caractérise les préceptes sociaux de l’Islam et qui offre une voie du rapport intérieur avec la divinité. Tout cela donne au Sufisme un aspect à la fois élitiste et ésotérique dont la clef- de -voûte est la gnose, ou connaissances des mystères par les initiés.
Pourtant, alors que le Sufisme contient des attributs hérétiques indéniables, ses contours ne dépassent pas l’Islam . Par conséquent, malgré un contentieux qui n’a pas cessé de s’intensifier au fil des siècles, un pacte non- écrit de coexistence a existé entre l’orthodoxie et le mysticisme islamique depuis le temps de Ibn Al-Arabi au 12e siècle jusqu'à aujourd’hui.
Il n’est pas tout à fait inconcevable que dans sa jeunesse Hafez ait appartenu à un ordre sufi. Alors qu’il a dû avoir commencé sa scolarité dans une école coranique - pour avoir su réciter le Coran par cœur - ses instructions ultérieures pourraient avoir été conduites sous la tutelle d’un maître sufi. Dans certains textes sur Hafiz, le nom Cheikh Mahmud Attar (à ne pas confondre avec le célèbre Cheikh Attar Neichapouri) est apparu comme son maître qui, au demeurant, ne serait ni très connu ni une référence en matière d’abstinence .
Certaines, des poésies de Hafez ont un parfum de mysticisme, de même que
d’autres portent l’empreinte de thèmes coranique. Encore dans d’autres poèmes Hafez fait-il allusion aux sujets courants de la société ; Il écrivit même des poésies panégyriques (voir cette rubrique ci-dessous). En outre, l’usage fréquent de l’amphibologie - des phrases à double sens - donne libre cours aux interprétations conflictuelles. Plusieurs chercheurs ont fait remarquer, non sans raison, que la poésie dueHafez peut correspondre aux attentes des gens de sensibilités contrastées. Peu d’entre eux ont fait valoir la vocation essentiellement poétique – et non idéologique - de ces œuvres. Le sonnet suivant, du parfum mystique, en est une digne représentation :
سالها دل طلب جا م جم ا ز ما میکرد
آنچه خود دا شت ز بیگا نه تمنا میکرد
گوهری کز صدف کون و مکا ن بیرون بود
طلب ا ز گمشدگان لب دریا میکرد
مشکل خویش بر پیر مغا ن برد م د وش
کو به تا ئید نظر حل معما میکرد
دیدمش خرم و خندا ن قدح با ده بد ست
وان د ر آ ن آینه صد گونه تما شا میکرد
گفتم ا ین جا م جها ن بین بتو کی دا د حکیم
گفت آنروز که این گنبد مینا میکرد
بیدلی در همه احوا ل خدا با او بود
او نمیدید ش و از دور خدایا میکرد
گفت آ ن یا ر کزو گشت سردا ربلند
جرمش این بود که ا سرا ر هویدا میکرد
فیض روح ا لقد س ا ر با ز مدد فرما ید
مسیحا میکرد د یگرا ن هم بکنند آ نچه
Depuis toujours mon cœur convoitait le miroir mythique ,
Ce qu’il portait en soi,
Il le cherchait ailleurs,
Parmi les inconnus.
La perle, hors des confins du temps et de l’espace,
Cherchait sa coquille dans les rivages,
Parmi les marins perdus.
J’ai remis le dilemme au vieux mage ,
Celui qui résout toutes énigmes.
Souriant, un verre du vin à la main,
Son regard balayait le miroir magique.
Quant t’accorda- t-Il cette bonté le Dieu ?
« Lors qu’Il façonna la terre et les cieux ! »
La torpeur sans âme, qu’avait le Dieu en soi,
Elle Le réclamait sans cesse mais ne Le sentait pas.
L’ami pour qui le gibet fut érigé,
Son crime ? Trahir le non-dit ,
La magie divine du Saint Esprit,
Si elle te vient en aide,
Tu feras les mêmes féeries que le Christ.
Alors que des attributs mystiques y sont présents, rien ne laisse supposer qu’en traitant ses thèmes, le poète exprimait ses propres convictions. Ce qui est frappant à part la beauté des lyriques (dans sa version originale), c’est la façon dont Hafez reprend des thèmes cycliques de la poésie perso- arabe et les remanie en constructions poétiques nettement supérieures.
Pour comprendre sa vision il faut donc arrêter d’interpréter et focaliser sur ce qu’il a dit dans un language sans équivoque à savoir le désaveu de connaissance de divinité, la poursuite des plaisirs terrestres souvent furtifs que devront être saisis sans se soucier des promesses d’au-delà; Son adulation du vin et la taverne est temporelle mais il le veut aussi comme l’antithèse de l’hypocrisie pieuse des clergés.
La foi indubitable des Sufisme dans l’unicité d’être humains et la divinité et l’harmonie entre tous les éléments de la création ainsi que leur penchant pour l’abstinence est étranger au caractère de Hafez à tel point qu’il frôle crédulité de le placer dans le rang des Sufis . Mais laissons une fois de plus la parole au poète lui-même. A maintes reprises il reproche aux Sufis leur hypocrisie, leur manque de netteté voire leur fraude
نقد صوفی نه همه صا فی و بیغش با شد
« L’or du Sufi n’est pas toujours de bon aloi ».
Ou bien :
صوفی بیا که که خرقه سا لوس بر کشیم
وین نقش زرق را خط بطلا ن بسر کشیم
بیرون جهیم سرخوش و ا ز بزم صوفیا ن
غارت کنیم با ده و شا هد به بر کشیم
عشرت کنیم ورنه بحسرت کشند مان
روری که رخت جا ن بجها ن د گرکشیم
Sufi allons ! Jetons ces simulacres et faussetés,
Sortons de bonne grâce de ce festin,
Pillons les jarres du vin et embrassons les belles femmes,
Allons, plongeons- nous dans les plaisirs,
Avant d’être rongés par le regret et chagrin,
Devant l’ultime appel du destin.
Dans un autre vers Hafez affirme que ce courant de pensée, à savoir le Sufisme, n’a rien à offrir :
در میخا نه ام بگشا که هیچ از خا نقه نگشود
گرت باور بود ورنه سخن ا ین بود و ما گفتیم
Je dis ce que je dois dire, que tu veuilles ou non y croire :
Ouvrons la porte de la taverne,
Car le temple des Sufis ne nous a rien apporté.
Malgré ces affirmations et ses aveux sans ambages d’être pécheur, voir mener une vie de dépravation , des moralistes ont cherché de sanctifier Hafez. La méthode employée consiste à accorder un sens occulte à tous mots qui dans le lexique des moralistes dénotent d’un péché. Ainsi le vin symbolise la vérité et l’amour se réfère à l’adulation de la divinité.
Du même que le Judaïsme, où le rabbinat a réussi à placer les Cantique des cantiques, avec ses parfums érotiques, sous le signe de la piété, les mystiques iraniens, avec l’aval tacite de la hiérarchie religieuse, ont présenté la grande étoile de la poésie iranienne comme l’un des leurs.
Par ailleurs, les détracteurs de Hafez ont cherché de barbouiller son image en mettant le doigt sur certaines de ses œuvres de caractère panégyriques.
Les ouvrages panégyrique d’ Hafez.
Il est malhonnête de chercher à soustraire Hafez à la critique selon laquelle il se laissait porter par flagornerie pour plaire aux rois mécènes et aux personnalités influentes dans leur entourage. Pendant sa carrière de poète Hafez a connu les règnes des cinq monarques dont trois lui accordèrent leur patronage . Pour sa subsistance Hafez avait besoin de cette aumône, la poésie en soi ne faisant pas recettes. Un emploi qu’il aurait tenu au Collège du Chiraz en qualité de professeur des études coraniques, si ceci s’avérait exact , ne lui aurait pas apporté assez pour subvenir à ses besoins. Sa poésie en effet révèle qu’il a traversé des périodes difficiles dues à l’inattention de la part de ses patrons. A part l’emploi de flatterie dans une poignée de ses odes, Hafez faisait allusion de temps à l’autre à sa situation précaire sans doute pour les oreilles de ses mécènes.
A une occasion, par une missive versifiée adressée à un de ses confidents, Hafez pria celui-ci de trouver un moment opportun avec son maître où « seul la brise soit admis dans leur confidence » et au préalable adoucir l’humour de son maître par une plaisanterie avant de lui rappeler de « la gratification de Hafez ».
Ceci dit, il faut bien souligner que Hafez n’avait aucunement la vocation d’un poète courtier et somme toute la part panégyrique de ses œuvres ne constitue qu’une part infime de sa poésie. Qui plus est, il y a raison à croire que Hafez avait une authentique affection, au moins pour certaines des personnalités qu’il eut louée. Le cas du Shah Abu Isaak est un bon exemple. A son égard Hafez écrivit, à titre posthume, des sonnets mélancoliques, pas sans encourir certains risques pour sa propre personne. En effet, le Shah Isaak avait été renversé et exécuté par son successeur Emir Mubarez Mozaffar. Dans une de ces poèmes Hafez fait la louange de l’ancien roi et de quatre des ses lieutenants pour la prospérité qu’a connu Chiraz sous son règne .
Ailleurs, dans une émouvante élégie pour le roi Issak il chante :
یاد باد آنکه سر کوی توا م منزل بود
دیده را روشنی از خا ک درت حا صل بو د
راست چون سوسن و گل ا ز ا ثر صحبت پا ک
بر زبا ن بود مرا آ نچه ترا در د ل بود
آ ه ا ز این جور و تطا ول که در ا ین دا مگه ا ست
آ ه ا ز آ ن سوز و نیا زی که دز ا ن محفل بود
در دلم بود که بی دوست نباشم هرگز
چه توا ن کرد که سعی من و دل با طل بود
را ستی خا تم فیروزه بوا سحا قی
خوش درخشید ولی دولت مستعجل بود
د یدی آ ن قهقه کبک خرا ما ن حا فظ
قضا غا فل بو د که ز سر پنجه شا هین
Ô’ que des souvenirs vifs,
Du temps où ma demeure fut tout prés de la tienne,
Et la poussière du devant de ta porte,
Eclairait mes jours.
Comme des tiges de jeunes fleurs,
Nous nous tenions droits,
Par la pureté de nos discours,
Et de ma bouche ruisselaient des mots,
Qui sortaient de ton cœur.
Regarde la malice qui te guette dans ce guêpier.
Et souviens-toi de nos euphories et extases,
Dans mon cœur, je ne voulais plus être,
Le jour où tu ne seras plus là,
Hélas mon vœu était en vain,
Et j’ai trahi mon âme.
La turquoise de l’anneau du roi feu,
A bien ébloui, hélas dura peu.
N’as-tu vu Hafez,
L’allégresse de la perdrix qui se pavane,
Insouciante des griffes du faucon ?
Par contre Hafez se montre plein de mépris à l’égard de l’Emir Mubarez qui en accédant au trône ordonna la fermeture des tavernes et se mit à instaurer un état puritain, à l’instar de ce qu’un siècle plus tard Savonarole établira à Florence. La poésie de Hafez à cette époque est remplie de reproches, de rage et de nostalgie. Dans une de ces remarques passagères il dédaigna les tourne-vestes qui ruèrent au palais pour y faire acte d’allégeance au nouveau roi :
حا فظ برو که بند گی پا د شا ه وقت
گر جمله میکنند تو با ر ی نمیکنی
Laisses les autres se mettre à plat,
Devant la majesté du nouveau roi,
Hafez, toi, tu ne t’abaisses point si bas.
Alors que le règne de l’Emir Murez a plongé Chiraz dans une ambiance ténèbres, Hafez écrivit une lamentation d’une beauté inégalée.
یا ری اند ر کس نمی بینم یا را ن راچه شد
د و ستی کی آ خر آ مد د و ستد را ن را چه شد
لعلی ا ز کا ن مروت بر نیا مد سا لها ست
تا بش خو رشید و سعی با د و بارا ن را چه شد
شهریا را ن بو د و خا ک مهر با نا ن ا ین د یا ر
مهربا نی کی سر آ مد شهریا را ن را چه شد
صد هزا را ن گل شگفت و با نگ مرغی بر نخا ست
عند لیبا ن را چه پیش آ مد هزا را ن را چه شد
حا فظ ا سرا ر الهی کس نمیدا ند خمو ش
از که میپر سی که دور روزگا را ن را چه شد
Je ne vois plus d’amitié,
Où sont-ils allés les amis?
Comment les attaches se sont-elles défaites ?
Et les amitiés péries?
De la générosité jadis si abondante,
Depuis bien du temps,
Aucun trait n’éclaire ces champs.
Qu’en est-il des rayons du soleil, de la rage du vent,
Et la plénitude des pluies?
C'était la cité d'amour et de prévenance cette terre.
La fraternité, quand s'est-elle éteinte ?
Où sont-ils passés les rois ?
Cent- mille fleurs s'épanouissent,
Mais aucun oiseau ne chante.
Où sont-ils envolés les rossignols? Qu’en est-il des moineaux?
Hafez, personne n'est dans les secrets divins,
Ne lamente donc pas en vain,
Les tours capricieux du destin.
L’héritage de Hafez
Hafez n’a pas besoin d’être idolâtré. Chercher à lui attribuer des vertus qu’il a vivement désavouées ne le rend pas plus grand. Ses sonnets miroitent l’essentiel de la nature humaine dans sa forme la plus pure, propulsé par la joie de vivre et la recherche des plaisirs terrestres, tout en restant conscient que la mort guette pour y mettre fin.
بمی عما رت دل کن که ا ین جها ن خرا ب
بر آ ن سر ا ست نه ا ز خا ک ما بسا زد خشت
Retapes-en ton cœur du vin
Car le sale destin,
Te guette pour te faire le comble :
Des briques faites de la terre de ta tombe !
Pourtant la mort ne lui inspire pas une peur démesurée. Hafez accueille la mort avec une sérénité que seuls des êtres de sa trempe en sont capables. Dans un sonnet d’adieu il toise la mort :
حجا ب چهره حا ن میشود غبا ر تنم
خو شا د می که ا زین چهر ه پرد ه برفکنم
چننین قفس نه سزا ی چو من خوش ا لحا نی ا ست
روم به گلشن رضو ا ن که مرغ آ ن چمننم
عیا ن نشد که چرا آ مد م چرا رفتم
د ر یغ درد که غا فل ز کا ر خویشتنم
Comme une auréole de poussière,
Mon corps voile mon âme.
Joyeux le moment où l’heure sonne,
Et le rideau tombe.
Une telle cage ne mérite point,
La virtuosité de mon âme.
Mon esprit s’envole vers l’éden,
Je suis oiseau de ce jardin.
Hélas nul n’a fait lumière sur l’énigme,
Pourquoi suis-je venue? Où est-ce qu’on s’en va?
Je fais donc ma révérence,
Sans rien compris de l’existence.
Hafez est bien conscient que sa poésie et son héritage constituent un trésor que sa mort ne pourrait faire disparaître :
هرگز نمیرد آنکه دلش زنده شد بعشق ثبت ا ست در جریده عالم دوام ما
«N’expire jamais celui dont le cœur reste allumé de flamme d’amour. Ma pérennité est inscrite aux annales de l’existence. »
A la postérité il dit, non sans une certaine préscience :
از سر تربت من چون گذ ری همت خوا ه
که زیارتگه رندا ن جها ن خو ا هد بو د
برو ا ی زا هد خو د بین که ز چشم من و تو
راز این پر ده نها ن ا ست و نها ن خواهد ما ند
Sur ma tombe,
Lors que tu y croise,
Fais un vœu, demande l’entrain,
Car le lieu où je gis,
Sera le pèlerinage,
Des esprits libres.
Regarde- bien ! ô clergé vertueux,
Les mystères derrière ce rideau
Se cachent à jamais de nos yeux.
Annexe I
Hafiz, poète iranien du quatorzième siècle
Note biographique
Parmi les iraniens et d’autres peuples d’expression persane Hafez est connu comme une de plus lumineuses étoiles de leur patrimoine culturel. Au-delà des acclamations littéraires inégalées, sa poésie continue d’être accueillie par les couches populaires avec une aire de magnétisme céleste. Les Iraniens consultent le Divan – le recueil de sa poésie - pour inspiration dans des passages cruciaux de leurs vies.
Il est ainsi à peine surprenant que sa biographie, du même que sa vision et pensée aient fait l’objet d’interprétations contrastées voire de manipulations et distorsions. Les légendes crées autour de sa vie visent à lui accorder des qualités supra- naturelles ou de l’idolâtrer. Une des plus savoureuses de ces fables le présente comme un orphelin démuni qui auditionna en cachette l’école, apprit le Coran par cœur alors qu’il était apprenti chez un boulanger ; Il tomba amoureux d’une femme de la haute société, et rejeté, il se mit en méditation et contemplation jusqu'à une nuit magique où il reçu l’aumône divine : Le don de la poésie.
وش وقت سحر از غصه تجاتم دادند وان د ر آ ن ظلمت شب آ ب حیا تم دا دند د
La veille à l’aube ils m’ont ôté tous chagrins, et dans la pénombre j’ai retrouvé la jouvence.
Des recherches plus poussées ont établi que Hafez fut issu d’une famille de classe moyenne qui veilla à son éducation primaire et sans doute sa formation supérieure, celle-ci sous tutelle d’un maître savant conforme à la pratique de l’époque. Né aux alentours de 1316 à Chiraz, Hafez devint un jeune homme raffiné et érudit sans doute aidé par ses facultés innées. Versé dans la poésie classique arabe et perse, il apprit à réciter le Coran par cœur et, selon certains récits, enseigna l’exégèse du Coran dans un séminaire à Chiraz utilisant un ouvrage du début de quatorzième siècle intitulé Kashaf .
Hafez ne tarda pas à devenir l’un des favoris du roi Cheikh Abu Issak Injou qui lui accorda son patronage et pour qui Hafez aurait éprouvé une authentique affection (voir le texte principal). Injou qui régna depuis Chiraz sur les provinces de Fars, Kirmân et Ispahan entre 1342 à1354, était selon l’explorateur arabe Ibn Batuta un homme de cœur bien aimé par son peuple. D’autres chroniqueurs ont toutefois relevé ces excès d’insouciance, son manque de jugeote politique et son goût pour la débauche. Des ressources précieuses auraient été bradées dans des campagnes militaires vaines contre son rival, Amir Mubarez uddin Mozafar. Celui-ci établira plus tard la dynastie Muzaffarid après qu’il parvint à évincer Abu Issak et de le faire décapiter sur la place publique. Hafez, selon toute vraisemblance, était présent à Chiraz au moment de l’exécution de son patron-mécène et en était peut-être le témoin oculaire. Il écrivit une émouvante élégie pour le roi déchu,qui est traduit dans le texte principal.
Amir Mubarez uddin Mozafar fut un homme outrageusement dur et fanatisé. Il proclama allégeance au Calife exilé au Caire. Celui-ci était pourtant sans pouvoir depuis que, un siècle auparavant, le conquistador mongol Hulagu avait mit fin au Califat à Bagdad. Amir Mubarez établira un régime puritain à Chiraz et, au grand chagrin du poète, ordonna la fermeture des tavernes. Il procéda à conquérir les provinces du Azerbaïdjan et de l’Irak avant d’être arrêté et aveuglé par ses propres fils qui redoutaient le châtiment du souverain pour des fautes qu’ils eurent commises.
Pendant cette période Hafez, aigri, écrivit des poésies pleines de mélancolie et de sarcasme dénonçant l’hypocrisie pieuse des clergés et celle de luminaires sufis.
Shah Shujaa qui remplaça son père entant que roi, restitua Hafez à son ancienne prééminence et lui accorda son patronage. Certains chercheurs, se basant sur l’emploi des mots propres à la bureaucratie dans quelques vers, estiment que sous Shah Shujaa, Hafiz aurait exercé des fonctions administratives (یوانی د). Sans vouloir se prononcer sur ce point, il convient de préciser que dans sa poésie Hafez a traité un large éventail de sujets. Il est connu pour avoir eu des relations avec des gens venants d’horizons fort variés.
Vu ses liens étroits avec le roi Isaak Injou, il semblerait que déjà à son jeune âge Hafiz avait acquis une notoriété certaine. Au fil des années qui suivirent sa renommé s’étendit à des provinces lointaines de l’ancien empire. Selon certains récits il eut été invité par le roi de Deccan à visiter l’Inde; il aurait aussi reçu invitation de la part du Sultan Ahmed Jalayer Ilkhani à visiter Bagdad. Hafez n’était jamais enthousiasmé par les voyages. Le seul déplacement qu’on le connaît avec certitude c’est celui qu’il effectua à Yazd , de suite d’une brouille avec le roi Shah Shujaa. Il semblerait qu’à cette époque il aurait eu aussi des ennuis avec la justice, ce qui pourrait expliquer son absence de deux ans de Chiraz . Le dirigeant de Yazd ne s’avéra pas un mécène généreux et Hafez, déçu et nostalgique, retourna à sa ville natale sous la protection du grand vizir Jallal-uddin Touran-shah. Bien que Hafez parvienne à récupérer la bonne grâce du roi, sa poésie fait état de périodes où il serait désargenté.
La dernière décennie de la vie et de la carrière de Hafez coïncident avec une période d’instabilité, marquée par des conflits irrédentistes. Ceux- ci avaient été accentués par la mort prématurée du Shah Shujaa en 1385. Son héritier au trône Zeinulabedin Yahya n’a pas eu la même carrure que son père et les princes Muzaffarids contestèrent son autorité. Mansûr le neveu du Shah Shujaa qui finira par arracher le pouvoir, régna quelques années à Chiraz mais a dû faire face à un redoutable défi, venant cette fois du conquistador Uzbek Tamerlan (1388-1405). Celui-ci a conquis Chiraz une première fois en 1388 et de nouveau en 1392. La deuxième conquête a eu lieu suite à un combat épique entre le roi Mansûr et l’armée puissante de Tamerlan au cours duquel Mansûr se fait tué après avoir infligé des lourdes pertes aux envahisseurs.
Hafez avait noué des liens amicaux avec le Shah Mansûr mais les guerres, et le rythme rapide des changements le laissèrent sur la paille à sa vieillesse. Le récit de sa rencontre avec le conquérant Ouzbek Tamerlan (voir la note de bas de page10, page 9) porte témoignage à cet état de dénuement tout en miroitant les aléas de fortunes. Paradoxalement cette rencontre est aussi une marque de reconnaissance de l’indice du succès dont jouissait le poète de son vivant. Et pourtant, dans les chroniques de 14e siècle, alors que sa poésie est citée de temps à autre, son nom apparaît rarement.
Ce n’est qu’à partir du 15e siècle qu’il s’est vu accorder une reconnaissance à part entière. Son anthologie, connue comme divan, aurait été compilée par un ami ou disciple, une vingtaine d’année après sa mort, survenu en 1390 . Dans l’introduction de cet ouvrage l’auteur fit certaine allusions aux traits du caractère et du train de vie du poète. Il en ressort que Hafez était un homme affable qui se mêlait avec les riches et les savants autant qu’avec les déshérités et les incultes et aimait côtoyer les jeunes.
Hafez avait une nature tendre et affectueuse; il s’attachait facilement à ceux qui l’entouraient et détestait la malice et la cruauté. Dans un commentaire passager il écrit :
مبا ش در پی آزار و هر چه خوا هی کن
که د ر شر یعت ما عیر ا زین گناهی نیست
Faites ce qui vous plait dans la vie,
Sauf faire du mal à l’autrui!
Des tous péchés qui encombrent la vie,
Il n’y a que ça dans mon édit.
Hafez se maria et eu un fils. Ce n’est pas clair, à quelle étape de sa vie ce mariage a eu lieu, mais l’on sait que sa femme et son fils ont tous les deux trouvés la mort en jeune âge. Hafez évoque ces tragédies affectueusement:
قره العین من آ ن میوه د ل یا د ش باد
که چه آ سان بشد و کار مرا مشکل کرد
آه و فریا د که ا ز چشم حسود مه چرخ
د ر لحد ما ه کمان ا بروی من منز ل کرد
La lumière de mon âme, la perle de mon cœur,
Si soudain fut son départ
Et si lourd mes chagrins,
Regarde bien le ravage du destin,
Le mauvais œil de la lune envieux,
Se jeta sur elle et l’enveloppa du linceul.
Se référant à son fils il écrit :
دلا د یدی که آ ن فرزا نه فرزند
چه دید اند ر خم ا ین طا ق رنگین
بچا ی لوح سیمین د ر کتارش
فلک بر سر نهادش لوح سنگین
As-tu vu le sort qu’a subi mon fils
Sous cette voûte- céleste colorée ?
Au lieu d’une belle à ses côtés,
Ils lui ont remit une pierre tombale sur la tête.
Hafez mourra en 1390 et fut enterré à Chiraz dans le jardin de Mossala dont il avait vanté la magnificence dans sa poésie et qui est connu aujourd’hui, d’après lui, sous le nom Hafezieh.
Annex II
SELECTED BIBLIOGRAPHY
I – Divan’s old manuscripts :
1- Khalkhali manuscript dated 827 H.G ( 1424), private collection, Iran
2- Meraat manuscript circa 827 (1424), private collection, Iran
3- Nakhjavani manuscript early early 15th century
4- Bodleian library manuscript, Oxford, England 843 H.G ( circa1439)
5- Eghbal manuscript ( ninth century H.G (15th century), private collection,Iran
6- Manuscript in Chester Beatty library ( Dublin Ireland) done in 853 H.G (circa1449)
7- Library of the Majlis manuscript ( the lower House of the Parliament), Tehran; dated 854 H.G. (circa 1450)
8- British Museum Library manuscript, London, 855 H.G ( circa1451)
9- Bibliothèque Nationale de Paris, 857 H.G (circa1453)
10- Library of the Majlis manuscript, dated 858 H.G.( circa1454), Tehran
11- Leiden Society Library manuscript Leiden Netherlands , 894 H.G (circa1489)
12- Vienna National Library manuscript, 900 H.G (circa1495), Austria
13- Library of the Majlis manuscript done by Sultan Mohamad Nour, circa 900 H.G (circa1495), Tehran
14- Taghavi manuscript done by Sultan-ali dated 905 H.G (circa1500),provate collection, Iran
15- Ghani (Hindu) manuscript presumed to be fairly recent but copied from an old manuscript; no date. Private collection, Iran
16- Tehran National Library manuscript undated but presumed in great part to be very old,
17- Library of Madressah Âli Sepahsalar, (Sepahsalar Grand Seminary) manuscript dated 917 H.G (circa 1511), done by Monaeem- uddin Ohaadi Shirazi Tehran,Iran.
18- Library of Oriental Languages manuscript, Saint Petersburg, Russia, 939 (1532)
19- Berlin State Library manuscript, Germany, 942 H.G (circa 1535)
20- Cambridge Society Library manuscript, England, 973 (circa 1565)
21- Cairo National Library manuscript, Egypt, 976 circa (1568)
22- Tehran National Library manuscript known as “Alef” presumed 16th century.
II – Other relevant manuscripts
1- Daulatshah Samarghandi b.1487AD. "Taz-kirat-ushu'ara", ( a chronicle of poets, contains a chapter on Hafiz; an English translation has been published by Leeds University Press).
2- Khondamir: “Habibul sayre”, ( contains relatively substantial amount of information on Hafiz) printed from manuscript in Tehran, 1953.
3- Jami, Abdul-rahman Nafahatul Onsse, written in 1476 C.E. ( relates the lives of eminent Sufi personalities and has a significant passage on Hafiz), printed from Manuscript inTehran.
4- Zamkhashri, Jarullah. Kash’shaf; Tafsire Ghoraan karim ( a text book interpretation of Koran which was used by Hafiz possibly for his lectures at Shiraz college), written on early 14th century.
5- Hafizabrou, Shahabuddin Abdullah Tarikh A’al Mozaffar ( a history of Mozzafarid dynasty written in two volumes circa1417 AD).
6- Hafizabrou, Shahabuddin Abdullah, Joghrafiaye Tarikhi, ( Geographic History), manuscript in private collection early 15th century.
7- Zarkoub- Shirazi, Abul-abassas shiraznameh, printed from manuscript in Tehran
III -_Recent Persian language literature on Hafiz
(Unless otherwise indicated all dates are Persian solar calendar. In some of the citations below the name of the publisher or the year of publication is missing.)
1- Afshar, Iraj: divan kohneh hafez, Tehran, 1348
2- Afshar, Iraj: maghaleh shenasi Hafez, Hafez shenasi, 5th vol. Tehran,
3- Alavi, Parto: “bânk’e jarasse: rahnemaye moshkelat divan hafez”; Tehran 1349
4- Anjavi Chirazi, Seyyed- Abolghassem: Divan hafez; Tehran 1345.
5- Bahrul-oulumi, Dr. Hussein in Dr. Rastegar Fassaie ed. “She’er va zendegui Hafez” , Teheran 1350,
6- Bamdad, Mohamad-Ali, Hafez-shenasi, Tehran, 1326
7- Dashti, Ali Naghshi az Hafiz, Tehran Amir Kabir publishing house.
8- Eslami -Nadoushab, Dr. Mohamad –Ali: Majeraye payan napazir hafez; Yazdan publishers, 1368
9- Farzad, Masoud, chand ne’mouneh az matne dorost’e Hafez, Cairo, 1942.
10- Farzad, Masoud, dar jostejouye hafez sahih,3 vol. University of Shiraz press, 1347
11- Ghani, Dr. Ghassem, “bahsse dar âssar va afkâr va ahval hafez: tarikhe asre hafes dar gharne hashtim”; author’s introduction, page SA. Third edition, Zavar publishing house, Tehran 2535 imperial calendar).
12- Ghazvini, Allameh Mohammad and Ghani, Dr. Ghassem: Hafez. Fifth ed. Asatir publishing House, Tehran 1374;
13- Kasravi, Ahmad: Hafez cheh migouyad; Tehran 4th print 1335.
14- Khanlari, Dr Parviz Natel, Ghazahhaye khajeh Hafez Shirazi, Tehran 1337.
15- Khoramshahi,Bahauddin; Hafez-nameh, 2 vol. Tehran 1366; Sourush
16- .Hazhir, Abdulhussien: Tashrih Hafez; Tehran 1343
17- Heravi, Hussien-Ali: Maghalat Hafez, Ketab-Sara publishing house. Tehran 1368.
18- Houman, Mahmoud, Hafez shirazi, edited by Ismaeil Khoei, Tehran 1347,
19- Homayoun-Farrokh, Roknuddin, Hafez kharabati, Tehran 1354.
20- Mallah, Hussien-ali: Hafez va mousighi; honar va farhang pubishing House,
second ed. 1363.
20- Khalkhali, Seyyed Abdulrahim, divan hafez az rouye noskheh khati saneh 827 h.g., Tehran 1306.
21- Mortazavi, Mauchehr, Makatab Hafez ya moghdameh bar hafez-shenasi, Tehran 1344
22- Pezhman Bakhtiari, Hussien, divan lessanul gheib khajeh shamsuddin mohamd hafez shirazi; Ibn Sina publishing house, Tehran 1342.
23- Rajaie,Dr. Ahmad-Ali: Farhangue ashâr Hafez, Zawar publisheres Tehran 1340.
24- Mo’iin, Mohamad: Hafez shirin sokhan; Parvin publishers, Tehran 1319.
25- Riahi, Dr Mohamad –Amin: Golgasht dar sheer va andish Hafez , Elmi publishing house, Tehran 1368
26- Shâmlou, Ahmad, Hafez Shiraz; Tehran 1336.
27- Zarkoub, Dr. Abdulhusien “ Az Kouche’h Rendan” pp.163- 164 . Amir Kabir publishing House Tehran 2536 (imperial calendar).
28- Zaryab Khoei, Dr. Abbas, ‘Aiineh’e djâm: Sharhe moshkelat’e divan Hafez”,
IV – Litterature on Hafiz in English and other languages
1- Arberry, A.H. Fifty poems of Hafiz, Cambridge, 1953,
2- Aryanpur-Kashani,Abbas, Odes of Hafiz, poetical Horoscope, Mazada Publishers, 1884, Lexington, US.
3- Bell, Gertrude Lowthian : The Teachings of Hafez; (first published in1897); E.Denison Ross (Introduction): Octagon Press, 1985 London. Also available on URL: http://www.sacred-texts.com/isl/hafiz.htm
4- Boyce, M.A. Novel Interpretations of Hafiz, BSOAS, 1953.
5- Browne Ebdward G: A Literary History of Persia. 4 vols. Cambridge: Cambridge UK, 1964.
6- Coleman Barks ( Translator) Inayat Khan (Editor): The Hand of Poetry: Five Mystic Poets of Persia: Translations from the Poems of Sanai, Attar, Rumi, Saadi and Hafiz: Lectures on Persian Poetry; Omega Publications; (November 2000).
7- Defrémery C. and BR Sanguinetti eds: The Travels of Ibn Batt`uta A.D. 1325-1354 translated by H.A.R. Gibb. London: Hakluyt Society, 1994
8- Defrémery, Charles in the Journal Asiatique for 1844 and 1845, Paris
9- Dunn, Ross E.: The Adventures of Ibn Battuta : A Muslim Traveler of the 14th Century; University of California Press; Reprint edition (April 1990) University of California Press; Reprint edition (April 1990).
10- Farzad, Masoud, Hafez and his Poems, London 1949.
11- Hillmann, Michael C.: Shamsedin Hafiz, Translated by; IBEX publishers, 1975.
12- Hillmann, Michael C. Unity in the Ghazals of Hafez, Bibliotheca Islamica, Incorporated, 1976
13- Landinsky Daniel , (Translated by)The Gift: Poems by Hafiz the Great Sufi Master. Penguin USA, 1999
14- Malcolm, Sir John History of Persia, Two vol. 1815,
15- Ouseley, Sir Gore 1770-1844, A biographical essay on Hafiz, ( out of print) no citation available
16- Sudi Bosnavi, Ahmad: Commentary on Divan, written circa 1595, Bulagh publishers,Istanbul 1834, (translated into Persian by Dr. Essmat Sattarzadeh).
17- Saberi, Reza , (Translator) : Hafez ; University Press of America;1995’
18- Sykes, Sir Percy, A history of Persia, vol. II, Macmillan 1963, London.
19- Von Hammer-Purgstall, Baron Joseph (1774- 1856.) "Divan of Hafiz” Stuttgart and Tübingen, 1812-13).
20- Wiberforce-Clarke, Henry: Hafez, IBEX publishers, 1997, US
.
España e Irán
España e Irán
Dos Reyes Amigos con un Secreto Apenas Desvelado.
Por Darioush Bayandor
Estamos en el verano de 1976. El “Caudillo” acaba de morirse (noviembre de 1975) y Juan Carlos – ya nominado por Franco años atrás como su sucesor a la jefatura del estado a título de rey – está por fin sobre el trono de España pese a su padre Juan de Borbón que no cesó de reclamar a su derecho sucesorio después la caída del régimen republicano al final de guerra civil en 1939. Pero entre Franco y Juan de Borbón no se produjo “atome crochue” como dicen los franceses. Fueron de dos horizontes muy diferentes, algo que persuadió al ‘Caudillo’ de preparar al hijo mayor de la familia real, Juan Carlos, como sucesor al trono tras su propia desaparición. En una entrevista entre Juan de Borbón y Franco en 1948, Franco exigió que los príncipes varones de la familia real, por aquel entonces en exilio en Italia, fuesen enviados a España para seguir sus enseñanzas.
Fue así que Juan Carlos y su hermano menor Alfonso, llegaron a España poco después. Los años formativos de Juan Carlos fueron bajo la vigilancia del Generalísimo quien quería ver que su sucesor mantuviera los principios del Movimiento Nacional por los que el mismo tanto había luchado.
Juan Carlos había prestado juramento para salvaguardar estos principios, así como también las leyes fundamentales del Reino basado sobre el franquismo. Juan Carlos sabía sin embargo que algo debía cambiarse en la estructura del estado y del método de gobernanza. El cambio debía producirse desde dentro del sistema, sin causar demasiadas perturbaciones políticas. La estructura franquista era todavía muy fuerte sobre todo dentro del ejército y las Cortes. Al otro lado del panorama político surgían las fuerzas de izquierda, reprimidas durante casi cuarenta años, cuyo desafío era percibido amenazador por la derecha española. Todavía en esa época no era claro lo que ellos intentaban hacer respecto de la monarquía, una incertidumbre que no dejaba de suscitar inquietudes legítimas en españoles de toda índole, fuera de formaciones políticas de izquierda de línea dura.
Juan Carlos todavía pertenecía al establecimiento legado por Franco. La guerra civil era tal vez un recuerdo lejano pero algunos sucesos fueron grabados en la memoria de los políticos, sobre todo del centro y la derecha. Tal era la complicidad y las coaliciones políticas entre los socialistas y los comunistas españoles en el marco de la segunda república durante los años treinta. Juan Carlos era receloso de la actitud del partido Socialista Obrero de España (PSOE) con une tradición republicana, sobre todo de su ala “renovada”, que al parecer fue aún más radical que el PSOE histórico.
Caminando sobre una delicada cuerda, el rey empujó, en Julio 1976, a Arias Navarro – nominado por Franco – a dimitir de su función como presidente del gobierno, remplazándolo con un político joven y ambicioso que pertenecía al establecimiento vigente, aunque al igual que el rey, fue convencido que la hora de la democracia en España había llegado. Adolfo Suárez logró sacar adelante el proyecto de reforma política y terminar por ser un héroe de la transición democrática en España; no obstante, al principio de su mandato necesitaba todo el respaldo que podía recibir para hacer frente a las fuerzas de izquierda, lo mismo que a los que no querían ceder ni un pequeño pedazo del poder y privilegios que disfrutaban bajo el régimen de Franco.
Era en un parecido ambiente político que el rey, Juan Carlos, pidió al Shah de Irán, Muhammad Reza Pahlavi, que le ayudará pecuniariamente para poder financiar la campaña política lanzada en favor de reformas políticas y las elecciones parlamentarias del Junio de 1977. En febrero de 1977 el premier ministro de Irán, Amir Abbas Hoveyda, efectuó una visita oficial a Madrid para desarrollar los vínculos comerciales y económicos entre Irán y el nuevo régimen español encabezado por el Rey Juan Carlos. Es poco probable que la cuestión de ayuda política fuese evocada durante esta visita, aunque Hoveyda fue recibido en audiencia privada en la Zarzuela.[1] Por esto, el Shah envió a Madrid a su sobrino, el príncipe Shahram – riquísimo hombre de negocios y comprometido en negocios umbrosos – para transmitir su compromiso de dar respaldo a los esfuerzos del Rey para fortalecer la orden nueva.
En una carta fechada 22 juño de 1977, una semana solamente después de las elecciones del 15 de Junio de 1977, Juan Carlos alude a esta visita y agradece al Shah su reacción a su llamada. Una fotocopia de la carta de Juan Carlos, escrita en francés, fue encontrada en medio de los documentos que el ex ministro de la corte imperial, Asadollah Alam, dejó en sus diarios, los que fueron publicados en seis volúmenes en Irán asi como en Estados Unidos y cuyo resumen fue traducido en inglés y editado en 1992.[2] Una traducción española de esta carta, que yo he hecho de su versión original francesa, se puede leer en apéndice de ese artículo. Ésa carta no esclarece, sin embargo, sí el príncipe Shahram había pagado algo o no en nombre del Sha. Lo que sí es indiscutible es que Juan Carlos pidió, en su carta de 22 de Junio, que el Shah hiciera une contribución de diez millones de dólares para financiar la campaña de las elecciones municipales que iban a celebrarse al fin del mismo año. En esta carta el Rey describió al Shah lo que se jugaba en los enfrentamientos políticos entre los partidos políticos en aquellos días, compartiendo con él su profunda preocupación de que España cayera bajo el control socialista-comunista. Para hacer frente a esta amenaza, escribió el rey, necesitaba diez millones de dólares.
Todavía un neófito, el rey Juan Carlos sabía no obstante como manipular el Shah. Era, sin duda alguna, familiar con puntos débiles y sensibilidades de su homólogo persa. El Shah se otorgaba el deber de apoyar, sino de proteger, monarquías vigentes en todos los rincones del mundo sobre todo frente a la amenaza comunista.
En un punto clave de su carta, Juan Carlos expresa su preocupación frente a la perspectiva de una victoria del partido socialista en las elecciones municipales que iban a celebrarse más tarde en 1976. Los socialistas, escribió el Rey, han logrado un porcentaje de escaños mucho mayor de lo que habían previsto en las elecciones parlamentarias de 15 de Junio, “algo que puede ocasionar riesgos serios para la seguridad del país y estabilidad de la Corona, porque tengo razones e informaciones precisas para establecer que ese partido es marxista.” Un partido de su electorado, escribió a continuación el Rey, “no sabe esto; mucha gente ha votado por ellos creyendo que mediante los socialistas España recibirá ayuda de los países europeos importantes como Alemania y todavía de otros como Venezuela para lanzar su economía.”
El diario del ex ministro Iraní de corte imperial contiene también la respuesta del Sha fechada 4 de Julio. Escrito también en francés la respuesta no esclarece con certeza lo que el Shah decidirá precisamente hacer para ayudar a su amigo. “En lo que respecta a las cuestiones que Su Majestad ha hecho referencia en su carta, me encargo de hacer llegar a usted mis impresiones personales en un mensaje verbal”.
Sin embargo, es muy probable que el Shah haya dado una respuesta positiva a través de canales no oficiales. Un año después, en junio de 1978, el Shah recibió a Don Juan Carlos y a Doña Sofía en Teherán, una visita de Estado que ocurrió solamente unos meses antes de que el régimen imperial fuera derrocado por la revolución islámica.
APÉNDICE
Traducción de la carta fechada de 22 de Junio del Rey Juan Carlos al depuesnto Sha de Irán.
Zarzuela, 22 junio, 1977.
Mi querido hermano (escrito de mano),
Quisiera en primer lugar agradecerle a usted por haber enviado a su sobrino, el Príncipe Sharam, y por haber dado, de esta manera, una respuesta rápida a mi llamada en un momento difícil para mi país.
Deseo a continuación informarle de la situación política en España y del desarrollo de la campaña política de los partidos políticos antes, durante y después de las elecciones.
Tras cuarentas años de un régimen muy personal que ha dado muchas cosas positivas al país y que de otro lado ha dejado España en una situación de carencia de estructuras políticas, lo que comporta enormes riesgos para la consolidación de la monarquía. Después de los seis primeros meses del gobierno de Arias, que había heredado del régimen anterior, elegí en Julio de 1976 a un hombre más joven, y de hecho menos comprometido, que conocía bien y en quien tenía toda confianza: Adolfo Suarez.
A partir de este momento tomé la decisión de caminar sobre el camino de la democracia con un esfuerzo de estar siempre por delante de los sucesos para evitar una situación semejante a lo que ocurrió en Portugal, lo que podría ser aún más peligroso en España.
La legalización de diferentes partidos políticos les ha permitido participar libremente en la campaña, presentar sus planos estratégicos y utilizar todos los medios de comunicación para su propaganda y proyectar la imagen de sus líderes al mismo tiempo que se beneficiaron de apoyos financieros importantes: La derecha recibe el apoyo del Banco de España, los socialistas aquel de Willy Brandt [sic], Venezuela y el resto de los socialistas Europeos mientras que los comunistas tienen los canales habituales.
Al contrario, el Presidente Suarez, a quien yo confié la responsabilidad estricta de gobernar, no pudo participar en la campaña electoral más que durante los ocho últimos días, sin tener los privilegios que acabo de describir y a cual han tenido acceso los otros partidos políticos.
Pese a esto, solo, con una organización casi -inexistente, financiado por algunos préstamos de corto plazo ofrecidos por algunos individuos privados, ha logrado una victoria clara y neta.
El partido socialista logró también un porcentaje mucho más amplio de lo que se esperaba, algo que puede implicar riesgos serios para la seguridad del país y estabilidad de la Corona, porque tengo razones e informaciones precisas para establecer que este partido es marxista. Una parte de su electorado no sabe esto; mucha gente ha votado por ellos creyendo que España mediante los socialistas recibirá ayuda de los países europeos importantes como Alemania y todavía otros como Venezuela para lanzar la economía española.
Por esta razón, Alfonso Suarez debe reestructurar y consolidar la Coalición Política del Centro para formar su propio partido político que constituyera la fuerza necesaria para defender la monarquía y la estabilidad de España.
Evidentemente para un semejante programa el Presidente Suarez tiene necesidad más que nunca de todos los apoyos posibles, sea por los españoles o países amigos que les importa la defensa de la civilización occidental y las monarquías vigentes.
Es por esta razón, mi querido hermano, que me permito rogar su apoyo a favor del Partido Político del Presidente Suarez, precisamente en la coyuntura actual ante el hecho que las elecciones municipales serán convocadas dentro de seis meses y es en esta votación que corremos más riesgos por nuestro futuro.
Por lo tanto, me permito con todo respecto someter para su consideración generosa la posibilidad de poder contar con una suma de 10, 000,000 de dólares como su apoyo personal a la consolidación de la monarquía española.
Si mi pedido recibiera su consideración favorable, me permito sugerir la presencia en Teherán de un amigo personal, Alexis Mardas, que puede recibir sus instrucciones.
(Escrito de mano): Con todo mi respecto y amistad, su hermano
Firma de Juan Carlos de Borbón
Dos Reyes Amigos con un Secreto Apenas Desvelado.
Por Darioush Bayandor
Estamos en el verano de 1976. El “Caudillo” acaba de morirse (noviembre de 1975) y Juan Carlos – ya nominado por Franco años atrás como su sucesor a la jefatura del estado a título de rey – está por fin sobre el trono de España pese a su padre Juan de Borbón que no cesó de reclamar a su derecho sucesorio después la caída del régimen republicano al final de guerra civil en 1939. Pero entre Franco y Juan de Borbón no se produjo “atome crochue” como dicen los franceses. Fueron de dos horizontes muy diferentes, algo que persuadió al ‘Caudillo’ de preparar al hijo mayor de la familia real, Juan Carlos, como sucesor al trono tras su propia desaparición. En una entrevista entre Juan de Borbón y Franco en 1948, Franco exigió que los príncipes varones de la familia real, por aquel entonces en exilio en Italia, fuesen enviados a España para seguir sus enseñanzas.
Fue así que Juan Carlos y su hermano menor Alfonso, llegaron a España poco después. Los años formativos de Juan Carlos fueron bajo la vigilancia del Generalísimo quien quería ver que su sucesor mantuviera los principios del Movimiento Nacional por los que el mismo tanto había luchado.
Juan Carlos había prestado juramento para salvaguardar estos principios, así como también las leyes fundamentales del Reino basado sobre el franquismo. Juan Carlos sabía sin embargo que algo debía cambiarse en la estructura del estado y del método de gobernanza. El cambio debía producirse desde dentro del sistema, sin causar demasiadas perturbaciones políticas. La estructura franquista era todavía muy fuerte sobre todo dentro del ejército y las Cortes. Al otro lado del panorama político surgían las fuerzas de izquierda, reprimidas durante casi cuarenta años, cuyo desafío era percibido amenazador por la derecha española. Todavía en esa época no era claro lo que ellos intentaban hacer respecto de la monarquía, una incertidumbre que no dejaba de suscitar inquietudes legítimas en españoles de toda índole, fuera de formaciones políticas de izquierda de línea dura.
Juan Carlos todavía pertenecía al establecimiento legado por Franco. La guerra civil era tal vez un recuerdo lejano pero algunos sucesos fueron grabados en la memoria de los políticos, sobre todo del centro y la derecha. Tal era la complicidad y las coaliciones políticas entre los socialistas y los comunistas españoles en el marco de la segunda república durante los años treinta. Juan Carlos era receloso de la actitud del partido Socialista Obrero de España (PSOE) con une tradición republicana, sobre todo de su ala “renovada”, que al parecer fue aún más radical que el PSOE histórico.
Caminando sobre una delicada cuerda, el rey empujó, en Julio 1976, a Arias Navarro – nominado por Franco – a dimitir de su función como presidente del gobierno, remplazándolo con un político joven y ambicioso que pertenecía al establecimiento vigente, aunque al igual que el rey, fue convencido que la hora de la democracia en España había llegado. Adolfo Suárez logró sacar adelante el proyecto de reforma política y terminar por ser un héroe de la transición democrática en España; no obstante, al principio de su mandato necesitaba todo el respaldo que podía recibir para hacer frente a las fuerzas de izquierda, lo mismo que a los que no querían ceder ni un pequeño pedazo del poder y privilegios que disfrutaban bajo el régimen de Franco.
Era en un parecido ambiente político que el rey, Juan Carlos, pidió al Shah de Irán, Muhammad Reza Pahlavi, que le ayudará pecuniariamente para poder financiar la campaña política lanzada en favor de reformas políticas y las elecciones parlamentarias del Junio de 1977. En febrero de 1977 el premier ministro de Irán, Amir Abbas Hoveyda, efectuó una visita oficial a Madrid para desarrollar los vínculos comerciales y económicos entre Irán y el nuevo régimen español encabezado por el Rey Juan Carlos. Es poco probable que la cuestión de ayuda política fuese evocada durante esta visita, aunque Hoveyda fue recibido en audiencia privada en la Zarzuela.[1] Por esto, el Shah envió a Madrid a su sobrino, el príncipe Shahram – riquísimo hombre de negocios y comprometido en negocios umbrosos – para transmitir su compromiso de dar respaldo a los esfuerzos del Rey para fortalecer la orden nueva.
En una carta fechada 22 juño de 1977, una semana solamente después de las elecciones del 15 de Junio de 1977, Juan Carlos alude a esta visita y agradece al Shah su reacción a su llamada. Una fotocopia de la carta de Juan Carlos, escrita en francés, fue encontrada en medio de los documentos que el ex ministro de la corte imperial, Asadollah Alam, dejó en sus diarios, los que fueron publicados en seis volúmenes en Irán asi como en Estados Unidos y cuyo resumen fue traducido en inglés y editado en 1992.[2] Una traducción española de esta carta, que yo he hecho de su versión original francesa, se puede leer en apéndice de ese artículo. Ésa carta no esclarece, sin embargo, sí el príncipe Shahram había pagado algo o no en nombre del Sha. Lo que sí es indiscutible es que Juan Carlos pidió, en su carta de 22 de Junio, que el Shah hiciera une contribución de diez millones de dólares para financiar la campaña de las elecciones municipales que iban a celebrarse al fin del mismo año. En esta carta el Rey describió al Shah lo que se jugaba en los enfrentamientos políticos entre los partidos políticos en aquellos días, compartiendo con él su profunda preocupación de que España cayera bajo el control socialista-comunista. Para hacer frente a esta amenaza, escribió el rey, necesitaba diez millones de dólares.
Todavía un neófito, el rey Juan Carlos sabía no obstante como manipular el Shah. Era, sin duda alguna, familiar con puntos débiles y sensibilidades de su homólogo persa. El Shah se otorgaba el deber de apoyar, sino de proteger, monarquías vigentes en todos los rincones del mundo sobre todo frente a la amenaza comunista.
En un punto clave de su carta, Juan Carlos expresa su preocupación frente a la perspectiva de una victoria del partido socialista en las elecciones municipales que iban a celebrarse más tarde en 1976. Los socialistas, escribió el Rey, han logrado un porcentaje de escaños mucho mayor de lo que habían previsto en las elecciones parlamentarias de 15 de Junio, “algo que puede ocasionar riesgos serios para la seguridad del país y estabilidad de la Corona, porque tengo razones e informaciones precisas para establecer que ese partido es marxista.” Un partido de su electorado, escribió a continuación el Rey, “no sabe esto; mucha gente ha votado por ellos creyendo que mediante los socialistas España recibirá ayuda de los países europeos importantes como Alemania y todavía de otros como Venezuela para lanzar su economía.”
El diario del ex ministro Iraní de corte imperial contiene también la respuesta del Sha fechada 4 de Julio. Escrito también en francés la respuesta no esclarece con certeza lo que el Shah decidirá precisamente hacer para ayudar a su amigo. “En lo que respecta a las cuestiones que Su Majestad ha hecho referencia en su carta, me encargo de hacer llegar a usted mis impresiones personales en un mensaje verbal”.
Sin embargo, es muy probable que el Shah haya dado una respuesta positiva a través de canales no oficiales. Un año después, en junio de 1978, el Shah recibió a Don Juan Carlos y a Doña Sofía en Teherán, una visita de Estado que ocurrió solamente unos meses antes de que el régimen imperial fuera derrocado por la revolución islámica.
APÉNDICE
Traducción de la carta fechada de 22 de Junio del Rey Juan Carlos al depuesnto Sha de Irán.
Zarzuela, 22 junio, 1977.
Mi querido hermano (escrito de mano),
Quisiera en primer lugar agradecerle a usted por haber enviado a su sobrino, el Príncipe Sharam, y por haber dado, de esta manera, una respuesta rápida a mi llamada en un momento difícil para mi país.
Deseo a continuación informarle de la situación política en España y del desarrollo de la campaña política de los partidos políticos antes, durante y después de las elecciones.
Tras cuarentas años de un régimen muy personal que ha dado muchas cosas positivas al país y que de otro lado ha dejado España en una situación de carencia de estructuras políticas, lo que comporta enormes riesgos para la consolidación de la monarquía. Después de los seis primeros meses del gobierno de Arias, que había heredado del régimen anterior, elegí en Julio de 1976 a un hombre más joven, y de hecho menos comprometido, que conocía bien y en quien tenía toda confianza: Adolfo Suarez.
A partir de este momento tomé la decisión de caminar sobre el camino de la democracia con un esfuerzo de estar siempre por delante de los sucesos para evitar una situación semejante a lo que ocurrió en Portugal, lo que podría ser aún más peligroso en España.
La legalización de diferentes partidos políticos les ha permitido participar libremente en la campaña, presentar sus planos estratégicos y utilizar todos los medios de comunicación para su propaganda y proyectar la imagen de sus líderes al mismo tiempo que se beneficiaron de apoyos financieros importantes: La derecha recibe el apoyo del Banco de España, los socialistas aquel de Willy Brandt [sic], Venezuela y el resto de los socialistas Europeos mientras que los comunistas tienen los canales habituales.
Al contrario, el Presidente Suarez, a quien yo confié la responsabilidad estricta de gobernar, no pudo participar en la campaña electoral más que durante los ocho últimos días, sin tener los privilegios que acabo de describir y a cual han tenido acceso los otros partidos políticos.
Pese a esto, solo, con una organización casi -inexistente, financiado por algunos préstamos de corto plazo ofrecidos por algunos individuos privados, ha logrado una victoria clara y neta.
El partido socialista logró también un porcentaje mucho más amplio de lo que se esperaba, algo que puede implicar riesgos serios para la seguridad del país y estabilidad de la Corona, porque tengo razones e informaciones precisas para establecer que este partido es marxista. Una parte de su electorado no sabe esto; mucha gente ha votado por ellos creyendo que España mediante los socialistas recibirá ayuda de los países europeos importantes como Alemania y todavía otros como Venezuela para lanzar la economía española.
Por esta razón, Alfonso Suarez debe reestructurar y consolidar la Coalición Política del Centro para formar su propio partido político que constituyera la fuerza necesaria para defender la monarquía y la estabilidad de España.
Evidentemente para un semejante programa el Presidente Suarez tiene necesidad más que nunca de todos los apoyos posibles, sea por los españoles o países amigos que les importa la defensa de la civilización occidental y las monarquías vigentes.
Es por esta razón, mi querido hermano, que me permito rogar su apoyo a favor del Partido Político del Presidente Suarez, precisamente en la coyuntura actual ante el hecho que las elecciones municipales serán convocadas dentro de seis meses y es en esta votación que corremos más riesgos por nuestro futuro.
Por lo tanto, me permito con todo respecto someter para su consideración generosa la posibilidad de poder contar con una suma de 10, 000,000 de dólares como su apoyo personal a la consolidación de la monarquía española.
Si mi pedido recibiera su consideración favorable, me permito sugerir la presencia en Teherán de un amigo personal, Alexis Mardas, que puede recibir sus instrucciones.
(Escrito de mano): Con todo mi respecto y amistad, su hermano
Firma de Juan Carlos de Borbón
Subscribe to:
Posts (Atom)