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Sunday, May 9, 2010

Littérature Classique Perse: Hafez; Affronter la Vertu

Hafez : Affronter la Vertu
Par Darioush Bayandor

Hafez , le plus célèbre prodige de la poésie lyrique iranienne qui vivait au quatorzième siècle à Chiraz, le chef- lieu de la province de Fars, fut aussi la bête noire des ulémas de son époque. Les traces de ses affrontements avec ces derniers se trouvent partout dans sa poésie. Par ailleurs, Hafez a été présenté, aussi bien en Iran qu’à l’étranger, comme un poète mystique orienté vers le Sufisme. Cette supposition qui a traversé les siècles en truisme à peine contesté n’a pas manqué de dénaturer l’héritage de Hafez dans sa perception commune. Dans un cas ou l’autre c’est la puissance hors norme de son message et les constructions magistrales de sa poésie qui incitent les travestissements malveillants.

Cet article s’intéresse au champ de collision entre un poète qui transgresse les tabous au sein d’une société médiévale orientale et le dogmatisme ambiant. Il cherche, en outre, à présenter le poète et son patrimoine tel qu’ils ressortent de ses ouvrages sans y voir une face occulte ni sens déductif. Les traductions d’une sélection restreinte de ses sonnets, pour lesquelles l’auteur assume la responsabilité, représentent un effort de transmission du sens, adaptées à la langue française. Elles ne prétendent nullement à l’exactitude textuelle. Il va sans dire que la beauté sublime de la poésie de Hafez et les subtilités dans la construction de ses vers sont impossibles à saisir dans la traduction. Ce texte est accompagné en annexe d’une note biographique ainsi que d’une bibliographie.

Hafez et uléma

Durant tout son parcours de poète Hafez fut harcelé par le clergé de Chiraz. Ceci n’était pas uniquement dû à son mode de vie peu pieuse, portée par l’adulation du vin et les plaisirs terrestres mais sur tout à cause de ses commentaires acerbes à propos de l’hypocrisie du clergé et les préceptes réducteurs qu’ils enjoignaient. Le Divan, (le recueil des ses œuvres) est plein des vers qui reflètent ce conflit. Voici quelques sélections.

واعظان کاین جلوه د ر محراب ومنبر میکنند
چون به خلوت میروند آن کارد یگر میکنند مشکلی دارم ز دا نشمند مجلس باز برس توبه فر مایان چرا خود توبه کمتر میکنند
گوئیا باور نمیدارند روز دا وری
کاین همه قلب و دغل در کار داور میکنند
(Traduction)
Ces prédicateurs qui brillent en vertu,
Aux autels et sur les pupitres,
En retrait,
Seraient-ils si purs, si limpides ?

J’ai une question au savant du cercle :
Pourquoi ces prêcheurs de repentance
No se repentent-ils jamais.

Croient-ils au jugement dernier ?
La divinité pervertie, jetée sous une fausse lumière ?


Dans le vers suivant c’est le philosophe gouailleur qui s’exprime :


گر زمسحد به خرا با ت شد م خو رده مگیر مجلس وعظ درا ز ا ست و زما ن خوا هد شد ایدل ار عشر ت امر وز به فردا فکنی
مایه نقد بقا را که ضما ن خوا هد شد ماه شغبان منه ا زد ست قدح کاین خورشید
ا زنظر تا شب عید رمضا ن خوا هد شد
Si je passe de la mosquée à la taverne,
Ne m’en tiens pas rigueur,
Car les serments y sont longs,
Et le temps ne s’arrête pas

Ô’mon ami, ne remets pas les plaisirs d’aujourd’hui à demain,
Qui se portera garant ?
Que demain sera au rendez- vous !

C’est le mois de Sha’abân ,
Ne cesse pas de boire,
Tout comme les caprices du soleil,
Le pot peut disparaître au Ramadân !


Hafez toujours moqueur et insolent, exhibe son individualisme dans la strophe suivante:



عیب رندا ن مکن ایزاهد باکیزه سرشت که گناه دگران بر تونخواهند نوشت.
من اگر خوبم و گر بد تو برو خود را باش . هر کسی ا ن درود عا قبت کار که کشت.
نا امید م مکن ا ز سا بقه لطف ا ز ل
تو بس برده چه دا نی که خوبست وکه زشت. که
حافظا روزاجل گر بکف ا ری جا می
یکسر ا ز کوی خرا با ت برند ت به بهشت

Ô’ noble clergé,
Ne tourmente pas les esprits libertins,
Leurs péchés, ils ne te seront point reprochés.

Je peux être vil ou vertueux,
Occupes-toi de tes affaires,
L’on ne récolte que ce que l’on sème.

Ne me désespère pas de la merci divine
Au-delà de ce rideau
Du bien, du mal....
Qui dira le pire et le mieux?

Ô 'Hafez, si avant ton dernier souffle,
Tu prends une gorgée du vin,
Vers les Cieux,
Te sera lumineux le chemin.


Il faut bien souligner que ce n’est pas uniquement la bondieuserie du clergé qui est en cause. Dans plusieurs des ses vers Hafez s’éloigne de l’orthodoxie ambiante et brave les tabous infranchissables. Des métonymies telles que « mettre en gage son tapis à prière » pour « se procurer du vin » ou bien le tacher de vin selon le désir de son maître, constituent des motifs récurrents dans sa poésie . Dans une pique d’extase il chante :
ما مرید ان روی سوی کعبه چون آ ریم چون روی سوی میخا نه داردپیرما
« Comment pourrai-je me tourner vers la Ka’ba? C’est vers la taverne que mon maître se dirige.

Plusieurs anecdotes, passées d’une génération à l’autre, témoignent du mépris dans lequel uléma tenaient le poète . Si cette hostilité se manifestait rarement dans les actes de vengeance, la nature de la société perse du 14e siècle et la place qu’occupait Hafez dans la société y sont pour quelques choses. La renommée de Hafez déjà pendant sa vie dépassait sa ville natale et - si l’on en croit certains récits – se serait étendu à l’Asie centrale voire méridionale. Hafez sans doute avait ses défenseurs et disciples et profitait de surcroît de la protection des milieux influents notamment celle des ses mécènes royaux .

Nombres de chercheurs ont évoqué le refus des mollahs de lui administrer à sa mort les rites funèbres musulmans . D’autres ont fait état de profanation de sa tombe par des zélotes. Bien que ces affirmations ne se reposent pas sur des indices fiables, l’hypothèse n’est guère invraisemblable. Selon l’une de ces anecdotes la chamaillerie sur la cérémonie funèbre entre les mullahs serait résolue une fois qu’ils décidèrent de recourir à la pratique de divination en utilisant comme guide le Divan ou le recueil des poèmes de Hafez. Ceci fait, ils tombent sur un sonnet qui se termine ainsi :

قدم دریغ مدار از جنا زه حافظ
که گرچه غرق گناه ا ست میرود به بهشت

Ne ménage point quelques démarches derrière mon cercueil ;
Noir des péchés tel que je suis,
Ma place sera au paradis.

L’anecdote est de véracité douteuse car le Divan ne fut compilé qu’une vingtaine d’années après la mort du poète survenue en 1389 . La pratique de chercher l’inspiration moyennant le Divan - devenu courant par après – ne pourrait pas avoir déjà commencé à cette époque. L’anecdote est néanmoins révélatrice de l’existence d’un malaise qui ne disparaîtra totalement même dans les temps modernes. L’historien britannique Sir Percy Sykes (1865-1945) en faisait état en se disant témoin oculaire d’une instance de profanation de la tombe de Hafez à Chiraz en 1916.

Une autre instance du rudoiement de Hafez par l’uléma est bien notoire. Cette fois le récit est étayé sur sa propre poésie. Alors que les chroniqueurs ne sont pas unanimes sur les séquences et l’identité des protagonistes de cette petite histoire, sur sa véracité il n’y a pas de contestation . Ainsi mérite-elle d’ être racontée ici : Dans un des ces vers Hafez avait raillé l’hypocrisie d’un chef religieux, confident du roi, au nom - selon certains- de Mir Emad Faghih Kermani . Celui-ci prétendait avoir dressé son chat à se prosterner d’après lui lors des prières quotidiennes ou « nemaz ».

ای کبک خوشخرا م که خوش میروی بنا ز
غره مشو که گربه زاهد نما ز کرد


Ô’ magnifique perdrix, ne te pavanes pas avec tant d’orgueil
Le chat de notre cheikh sait faire le ‘nemaz’

Furieux, les clergés attendent leur tour pour se venger. L’occasion ne tarde pas à se présenter lors que dans l’un de ses vers Hafez médita:
گر مسلما نی از این است که حا فظ دارد
وای اگرا ز پس امروز بود فردا ئی

Hafez, un vrai Musulman ne se ressemble guère à toi.
Gare à toi s’il existait l’au-delà."

Le vers fut interprété comme preuve irréfutable d’apostasie du fait que Hafiz aurait semé de doute sur la véracité de ‘l'au-delà’. Il serait question d'une fatwa à l’encontre du poète.

Hafez prit peur et consulta confidentiellement un ami juriste que lui donna son conseil conforme à la jurisprudence islamique selon laquelle si les faits susceptibles d’inculper un Musulman pour le crime d’apostasie pouvaient être imputés à un tiers non- Musulman, ceci occasionnera un non- lieu du fait que les membres des autres confessions ne seraient pas tenus d’accepter les édits visant les Musulmans.

Alors Hafez couva dans une planque durant quelques jours au bout desquels Il inséra un patch juste avant le passage qui avait suscité la polémique. Il le fit avec un naturel magistral et un rythme parfait - insaisissable en traduction- à l’instar d’un maître restaurateur qui restaure un tableau sans laisser la moindre trace

این حد یثم چه خوش ا مد که سحرگه میگفت
بر در میکده ای با دف و نی ترسائی
گر مسلما نی از این است که حا فظ دارد
وای اگرا ز پس امروز بود فردا ئی
A l’aube, sortant de la taverne,
J’ai été ravi d’entendre l’infidèle.
Il me charria en chantant:
Hafez, un vrai Musulman,
Ne se ressemble guère à toi
Gare à toi si existait l’au-delà."

Le message de Hafez

Pour Hafez la vérité humaine réside dans la poursuite des instincts naturels plutôt que dans leur abnégation. Il se présente à la fois comme séducteur et séduit, entiché des femmes et du vin et emporté par les plaisirs temporels.



ز حسن روی جوا نا ن تمعتعی بردار
که در کمینگه عمر ا ست مکر عا لم پیر

Savoures-en de beauté de la jeunesse.
Car te guette à l’affût la perfide vieillesse.


Pour lui, l’infamie vaut mieux que le piétisme et la tromperie de l’au- delà. Seuls les esprits malsains, dit-il dans un des ses mémorables sonnets, laissent le palpable pour des promesses illusoires.
کنون که میدمد ا ز بوستان نسیم بهشت
من وشرا ب فرحبخش ویا ر حورسرشت
گدا چرا نزند لا ف سلتنطت ا مروز
که خیمه سا یه ا بر است وبزمگه لب کشت
چمن حکا یت ا رد یبهشت میگوید
نه عا قلست ا نکه نسیه خرید و نقذ بهشت
Le vent d’un parfum grisant,
Souffle par-dessus des prés,
Assis, folâtre avec du vin égayant,
A côté d’une femme de beauté céleste,
Pourquoi l’indigent ne prétendrai-il pas à la couronne?
Son auvent l’ombre des nuages,
La prairie lieu de son festin.
Les verdures annoncent l’arrivée du printemps,
Nul esprit sain laisse le palpable,
Pour les promesses du lendemain.

Le Divan est plein d’allusions directes ou métaphoriques de telle nature. Leurs fréquences excluent toute supposition qu’elles seraient fortuites ou inhabituelles. Pouvoir revendiquer son identité et ses valeurs propres et façonner sa vie autours d’elles est la base de sa pensée. Ainsi son individualisme se heurte-il contre la recette de salut proposée par les religieux. Hafez admet bien volontiers être pécheur mais il plaide non coupable devant sa propre conscience. Le Créateur ne pourrait pas avoir instillé des instincts dans la nature humaine et punir ses créatures pour s’en servir.

Cette sérénité le conduit à traiter des thèmes tabous avec désinvolture voire insolence. Dans un de ses plus célèbres sonnets il chante :

دوش دیدم که ملا یک در میخا نه زدند
گل ا دم بسرشتند و به پیما نه زدند
سا کنا ن حرم ستر عفاف ملکوت
با من را ه نشین با ده مستا نه زدند
آ سما ن با ر اما نت نتوا نست کشید
دند قرعه فا ل به نا م من دیوا نه ز




A l’aube j’ai rêvé
Que les anges frappaient à la porte de la taverne !
De l’argile d’Adam,
Elles façonnaient des calices,
Pour en boire du vin.

Les nymphes du sérail divin,
Assises prés de moi, le vagabond
Se délectaient, grisées du vin

Les cieux n'auraient pu garder le secret,
Le sort m'en incomba le fardeau,
Moi, l'aliéné, le chemineau.

Hafez est pourtant préoccupé par la divinité et la métaphysique. Pour lui la création est un mystère au-delà de la portée humaine. Cette vision agnostique de l’existence est répercutée dans plusieurs des ses sonnets dont la dernière strophe d’une de ses plus célèbres odes, dont voici certains vers sélectionnés.

اگر ا ن ترک شیرا زی بدست آرد دل ما را
به خا ل هندوش بخشم سمرقند وبخا را را

بده ساقی می باقی که در جنت نخوا هی یافت
کنا ر اب رکنا با د و گلگشت مصلا را

من ا ز ان حسن روزا فزون که یوسف دا شت دانستم
که عشق ا ز برده عصمت برون ارد ذ لیخا را

نصیحت گوش کن جا نا که ا ز جا ن دوست تر دارند
جوا نا ن سعا دتمند پند پیر دانا را
حدیث ا ز مطرب و می گو و را ز دهر کمتر جو
که کس نکشود و نگشا ید به حکمت ا ین معما را


« Si cette belle turque du Chiraz cède à mon désir,
Seul pour son grain de beauté hindou,
Je cèderais Samarkand et Boukhara .

Ô, jolie tavernière, remplis mon verre du vin éternel,
Car au paradis,
Rien n'égale le ruisseau de Roknabad*,
Ni le jardin de Mossala .

Du charme grandissant de Joseph,
J'ai compris que l'amour,
Allait briser le vœu de chasteté de Zuleikha.

Ecoute bien mon ange, le conseil doré du vieux sage:
Ne parlons que du vin et de la musique,
Et ne cherchons point les secrets de l’univers.
Car, nul être n’a jamais su,
Ni saura résoudre ce mystère ».


La mystification de Hafez

Alors que les assauts doctrinaires dont fut l’objet Hafez durant sa vie et au-delà sont facile à appréhender, la tentative de la contorsion de sa vision et philosophie, est insidieux et difficile à scruter. L’entrée fracassante de Hafiz dans le paysage culturel de l’Iran du 14e siècle ne saurait laisser les milieux intellectuels et religieux indifférents. Déjà pendant sa vie, Hafez aurait trouvé la notoriété dans les provinces de l’ancien empire et en Inde . La fraîcheur de sa vision et pensée, enchâssées dans des vers rythmiques inégalés, sa maîtrise de métaphore de métonymie et avant tout de l’aphorisme - formulé dans un langage simple et accessible même aujourd’hui aux couches populaires - ne tardera pas d’en faire un monument d’art lyrique ainsi qu’une idole du peuple.

Un procédé insidieux de mystification de Hafez moyennant la perversion de son message est désormais mis en marche. Le franc-parler du poète en adulation du vin et la poursuite des plaisirs temporels s’est vu donner un tournure ésotérique ; On y accorde un sens gnostique à chaque métaphore. Le Divan reçoit l’appellation « lissanul-gheibe لسا ن الغیب » ou la langue des mystères. Progressivement, il devient un dogme intellectuel, de compter Hafez parmi les poètes mystiques . Comment ceci est-il arrivé au juste, ce n’est pas facile à documenter avec précision. L’on peut, par contre, esquisser un schéma historique dans lequel cette transfiguration pourrait être mieux appréhendée.

A partir du 12e siècle le Sufisme devient le courant de pensée dominant parmi les hommes de lettres et pensées en Iran ainsi que dans le monde Arabo- Musulman. Ses années formatives furent sans doute marquées par les enseignements des grands maîtres Sufis, tels que Farid’uddin Attar Neichapouri (1142-1221), Seyyed Jallal’uddin Mohammed, dit Molavi Rumi (1207-1273) ou encore Shahab’uddin Sohrevardi (12e siècle) qui avaient quasiment saturé le climat intellectuel de l’époque.

Les origines et le contenu du Sufisme dépassent les limites du présent article. Il suffit de rappeler que le Sufisme est enraciné en Islam et y reste encré. Il a été, selon toute vraisemblance, influencé par le panthéisme grec et les tendances philosophiques indiennes d’abstinence et d’ascétisme. Au fond, il s’agit d’une école théophilosophique qui revendique l’unité du Créateur avec ses créatures. L’individu devrait atteindre la divinité au bout d’un parcours laborieux marqué par l’abstinence qui lui permet de découvrir la vérité sur terre. D’aucuns ont perçu et projeté le Sufisme comme une échappatoire par rapport à la rigidité qui caractérise les préceptes sociaux de l’Islam et qui offre une voie du rapport intérieur avec la divinité. Tout cela donne au Sufisme un aspect à la fois élitiste et ésotérique dont la clef- de -voûte est la gnose, ou connaissances des mystères par les initiés.

Pourtant, alors que le Sufisme contient des attributs hérétiques indéniables, ses contours ne dépassent pas l’Islam . Par conséquent, malgré un contentieux qui n’a pas cessé de s’intensifier au fil des siècles, un pacte non- écrit de coexistence a existé entre l’orthodoxie et le mysticisme islamique depuis le temps de Ibn Al-Arabi au 12e siècle jusqu'à aujourd’hui.

Il n’est pas tout à fait inconcevable que dans sa jeunesse Hafez ait appartenu à un ordre sufi. Alors qu’il a dû avoir commencé sa scolarité dans une école coranique - pour avoir su réciter le Coran par cœur - ses instructions ultérieures pourraient avoir été conduites sous la tutelle d’un maître sufi. Dans certains textes sur Hafiz, le nom Cheikh Mahmud Attar (à ne pas confondre avec le célèbre Cheikh Attar Neichapouri) est apparu comme son maître qui, au demeurant, ne serait ni très connu ni une référence en matière d’abstinence .

Certaines, des poésies de Hafez ont un parfum de mysticisme, de même que
d’autres portent l’empreinte de thèmes coranique. Encore dans d’autres poèmes Hafez fait-il allusion aux sujets courants de la société ; Il écrivit même des poésies panégyriques (voir cette rubrique ci-dessous). En outre, l’usage fréquent de l’amphibologie - des phrases à double sens - donne libre cours aux interprétations conflictuelles. Plusieurs chercheurs ont fait remarquer, non sans raison, que la poésie dueHafez peut correspondre aux attentes des gens de sensibilités contrastées. Peu d’entre eux ont fait valoir la vocation essentiellement poétique – et non idéologique - de ces œuvres. Le sonnet suivant, du parfum mystique, en est une digne représentation :


سالها دل طلب جا م جم ا ز ما میکرد
آنچه خود دا شت ز بیگا نه تمنا میکرد
گوهری کز صدف کون و مکا ن بیرون بود
طلب ا ز گمشدگان لب دریا میکرد
مشکل خویش بر پیر مغا ن برد م د وش
کو به تا ئید نظر حل معما میکرد
دیدمش خرم و خندا ن قدح با ده بد ست
وان د ر آ ن آینه صد گونه تما شا میکرد
گفتم ا ین جا م جها ن بین بتو کی دا د حکیم
گفت آنروز که این گنبد مینا میکرد
بیدلی در همه احوا ل خدا با او بود
او نمیدید ش و از دور خدایا میکرد
گفت آ ن یا ر کزو گشت سردا ربلند
جرمش این بود که ا سرا ر هویدا میکرد
فیض روح ا لقد س ا ر با ز مدد فرما ید
مسیحا میکرد د یگرا ن هم بکنند آ نچه




Depuis toujours mon cœur convoitait le miroir mythique ,
Ce qu’il portait en soi,
Il le cherchait ailleurs,
Parmi les inconnus.

La perle, hors des confins du temps et de l’espace,
Cherchait sa coquille dans les rivages,
Parmi les marins perdus.

J’ai remis le dilemme au vieux mage ,
Celui qui résout toutes énigmes.
Souriant, un verre du vin à la main,
Son regard balayait le miroir magique.

Quant t’accorda- t-Il cette bonté le Dieu ?
« Lors qu’Il façonna la terre et les cieux ! »

La torpeur sans âme, qu’avait le Dieu en soi,
Elle Le réclamait sans cesse mais ne Le sentait pas.



L’ami pour qui le gibet fut érigé,
Son crime ? Trahir le non-dit ,

La magie divine du Saint Esprit,
Si elle te vient en aide,
Tu feras les mêmes féeries que le Christ.

Alors que des attributs mystiques y sont présents, rien ne laisse supposer qu’en traitant ses thèmes, le poète exprimait ses propres convictions. Ce qui est frappant à part la beauté des lyriques (dans sa version originale), c’est la façon dont Hafez reprend des thèmes cycliques de la poésie perso- arabe et les remanie en constructions poétiques nettement supérieures.

Pour comprendre sa vision il faut donc arrêter d’interpréter et focaliser sur ce qu’il a dit dans un language sans équivoque à savoir le désaveu de connaissance de divinité, la poursuite des plaisirs terrestres souvent furtifs que devront être saisis sans se soucier des promesses d’au-delà; Son adulation du vin et la taverne est temporelle mais il le veut aussi comme l’antithèse de l’hypocrisie pieuse des clergés.

La foi indubitable des Sufisme dans l’unicité d’être humains et la divinité et l’harmonie entre tous les éléments de la création ainsi que leur penchant pour l’abstinence est étranger au caractère de Hafez à tel point qu’il frôle crédulité de le placer dans le rang des Sufis . Mais laissons une fois de plus la parole au poète lui-même. A maintes reprises il reproche aux Sufis leur hypocrisie, leur manque de netteté voire leur fraude
نقد صوفی نه همه صا فی و بیغش با شد
« L’or du Sufi n’est pas toujours de bon aloi ».

Ou bien :

صوفی بیا که که خرقه سا لوس بر کشیم
وین نقش زرق را خط بطلا ن بسر کشیم
بیرون جهیم سرخوش و ا ز بزم صوفیا ن
غارت کنیم با ده و شا هد به بر کشیم
عشرت کنیم ورنه بحسرت کشند مان
روری که رخت جا ن بجها ن د گرکشیم

Sufi allons ! Jetons ces simulacres et faussetés,
Sortons de bonne grâce de ce festin,
Pillons les jarres du vin et embrassons les belles femmes,
Allons, plongeons- nous dans les plaisirs,
Avant d’être rongés par le regret et chagrin,
Devant l’ultime appel du destin.

Dans un autre vers Hafez affirme que ce courant de pensée, à savoir le Sufisme, n’a rien à offrir :
در میخا نه ام بگشا که هیچ از خا نقه نگشود
گرت باور بود ورنه سخن ا ین بود و ما گفتیم

Je dis ce que je dois dire, que tu veuilles ou non y croire :
Ouvrons la porte de la taverne,
Car le temple des Sufis ne nous a rien apporté.

Malgré ces affirmations et ses aveux sans ambages d’être pécheur, voir mener une vie de dépravation , des moralistes ont cherché de sanctifier Hafez. La méthode employée consiste à accorder un sens occulte à tous mots qui dans le lexique des moralistes dénotent d’un péché. Ainsi le vin symbolise la vérité et l’amour se réfère à l’adulation de la divinité.

Du même que le Judaïsme, où le rabbinat a réussi à placer les Cantique des cantiques, avec ses parfums érotiques, sous le signe de la piété, les mystiques iraniens, avec l’aval tacite de la hiérarchie religieuse, ont présenté la grande étoile de la poésie iranienne comme l’un des leurs.

Par ailleurs, les détracteurs de Hafez ont cherché de barbouiller son image en mettant le doigt sur certaines de ses œuvres de caractère panégyriques.

Les ouvrages panégyrique d’ Hafez.

Il est malhonnête de chercher à soustraire Hafez à la critique selon laquelle il se laissait porter par flagornerie pour plaire aux rois mécènes et aux personnalités influentes dans leur entourage. Pendant sa carrière de poète Hafez a connu les règnes des cinq monarques dont trois lui accordèrent leur patronage . Pour sa subsistance Hafez avait besoin de cette aumône, la poésie en soi ne faisant pas recettes. Un emploi qu’il aurait tenu au Collège du Chiraz en qualité de professeur des études coraniques, si ceci s’avérait exact , ne lui aurait pas apporté assez pour subvenir à ses besoins. Sa poésie en effet révèle qu’il a traversé des périodes difficiles dues à l’inattention de la part de ses patrons. A part l’emploi de flatterie dans une poignée de ses odes, Hafez faisait allusion de temps à l’autre à sa situation précaire sans doute pour les oreilles de ses mécènes.

A une occasion, par une missive versifiée adressée à un de ses confidents, Hafez pria celui-ci de trouver un moment opportun avec son maître où « seul la brise soit admis dans leur confidence » et au préalable adoucir l’humour de son maître par une plaisanterie avant de lui rappeler de « la gratification de Hafez ».

Ceci dit, il faut bien souligner que Hafez n’avait aucunement la vocation d’un poète courtier et somme toute la part panégyrique de ses œuvres ne constitue qu’une part infime de sa poésie. Qui plus est, il y a raison à croire que Hafez avait une authentique affection, au moins pour certaines des personnalités qu’il eut louée. Le cas du Shah Abu Isaak est un bon exemple. A son égard Hafez écrivit, à titre posthume, des sonnets mélancoliques, pas sans encourir certains risques pour sa propre personne. En effet, le Shah Isaak avait été renversé et exécuté par son successeur Emir Mubarez Mozaffar. Dans une de ces poèmes Hafez fait la louange de l’ancien roi et de quatre des ses lieutenants pour la prospérité qu’a connu Chiraz sous son règne .
Ailleurs, dans une émouvante élégie pour le roi Issak il chante :

یاد باد آنکه سر کوی توا م منزل بود
دیده را روشنی از خا ک درت حا صل بو د
راست چون سوسن و گل ا ز ا ثر صحبت پا ک
بر زبا ن بود مرا آ نچه ترا در د ل بود
آ ه ا ز این جور و تطا ول که در ا ین دا مگه ا ست
آ ه ا ز آ ن سوز و نیا زی که دز ا ن محفل بود
در دلم بود که بی دوست نباشم هرگز
چه توا ن کرد که سعی من و دل با طل بود
را ستی خا تم فیروزه بوا سحا قی
خوش درخشید ولی دولت مستعجل بود
د یدی آ ن قهقه کبک خرا ما ن حا فظ
قضا غا فل بو د که ز سر پنجه شا هین
Ô’ que des souvenirs vifs,
Du temps où ma demeure fut tout prés de la tienne,
Et la poussière du devant de ta porte,
Eclairait mes jours.

Comme des tiges de jeunes fleurs,
Nous nous tenions droits,
Par la pureté de nos discours,
Et de ma bouche ruisselaient des mots,
Qui sortaient de ton cœur.

Regarde la malice qui te guette dans ce guêpier.
Et souviens-toi de nos euphories et extases,

Dans mon cœur, je ne voulais plus être,
Le jour où tu ne seras plus là,
Hélas mon vœu était en vain,
Et j’ai trahi mon âme.

La turquoise de l’anneau du roi feu,
A bien ébloui, hélas dura peu.

N’as-tu vu Hafez,
L’allégresse de la perdrix qui se pavane,
Insouciante des griffes du faucon ?

Par contre Hafez se montre plein de mépris à l’égard de l’Emir Mubarez qui en accédant au trône ordonna la fermeture des tavernes et se mit à instaurer un état puritain, à l’instar de ce qu’un siècle plus tard Savonarole établira à Florence. La poésie de Hafez à cette époque est remplie de reproches, de rage et de nostalgie. Dans une de ces remarques passagères il dédaigna les tourne-vestes qui ruèrent au palais pour y faire acte d’allégeance au nouveau roi :

حا فظ برو که بند گی پا د شا ه وقت
گر جمله میکنند تو با ر ی نمیکنی

Laisses les autres se mettre à plat,
Devant la majesté du nouveau roi,
Hafez, toi, tu ne t’abaisses point si bas.

Alors que le règne de l’Emir Murez a plongé Chiraz dans une ambiance ténèbres, Hafez écrivit une lamentation d’une beauté inégalée.

یا ری اند ر کس نمی بینم یا را ن راچه شد
د و ستی کی آ خر آ مد د و ستد را ن را چه شد
لعلی ا ز کا ن مروت بر نیا مد سا لها ست
تا بش خو رشید و سعی با د و بارا ن را چه شد
شهریا را ن بو د و خا ک مهر با نا ن ا ین د یا ر
مهربا نی کی سر آ مد شهریا را ن را چه شد
صد هزا را ن گل شگفت و با نگ مرغی بر نخا ست
عند لیبا ن را چه پیش آ مد هزا را ن را چه شد
حا فظ ا سرا ر الهی کس نمیدا ند خمو ش
از که میپر سی که دور روزگا را ن را چه شد
Je ne vois plus d’amitié,
Où sont-ils allés les amis?
Comment les attaches se sont-elles défaites ?
Et les amitiés péries?

De la générosité jadis si abondante,
Depuis bien du temps,
Aucun trait n’éclaire ces champs.
Qu’en est-il des rayons du soleil, de la rage du vent,
Et la plénitude des pluies?

C'était la cité d'amour et de prévenance cette terre.
La fraternité, quand s'est-elle éteinte ?
Où sont-ils passés les rois ?

Cent- mille fleurs s'épanouissent,
Mais aucun oiseau ne chante.
Où sont-ils envolés les rossignols? Qu’en est-il des moineaux?

Hafez, personne n'est dans les secrets divins,
Ne lamente donc pas en vain,
Les tours capricieux du destin.

L’héritage de Hafez

Hafez n’a pas besoin d’être idolâtré. Chercher à lui attribuer des vertus qu’il a vivement désavouées ne le rend pas plus grand. Ses sonnets miroitent l’essentiel de la nature humaine dans sa forme la plus pure, propulsé par la joie de vivre et la recherche des plaisirs terrestres, tout en restant conscient que la mort guette pour y mettre fin.
بمی عما رت دل کن که ا ین جها ن خرا ب
بر آ ن سر ا ست نه ا ز خا ک ما بسا زد خشت

Retapes-en ton cœur du vin
Car le sale destin,
Te guette pour te faire le comble :
Des briques faites de la terre de ta tombe !

Pourtant la mort ne lui inspire pas une peur démesurée. Hafez accueille la mort avec une sérénité que seuls des êtres de sa trempe en sont capables. Dans un sonnet d’adieu il toise la mort :
حجا ب چهره حا ن میشود غبا ر تنم
خو شا د می که ا زین چهر ه پرد ه برفکنم
چننین قفس نه سزا ی چو من خوش ا لحا نی ا ست
روم به گلشن رضو ا ن که مرغ آ ن چمننم
عیا ن نشد که چرا آ مد م چرا رفتم
د ر یغ درد که غا فل ز کا ر خویشتنم
Comme une auréole de poussière,
Mon corps voile mon âme.
Joyeux le moment où l’heure sonne,
Et le rideau tombe.

Une telle cage ne mérite point,
La virtuosité de mon âme.
Mon esprit s’envole vers l’éden,
Je suis oiseau de ce jardin.

Hélas nul n’a fait lumière sur l’énigme,
Pourquoi suis-je venue? Où est-ce qu’on s’en va?
Je fais donc ma révérence,
Sans rien compris de l’existence.

Hafez est bien conscient que sa poésie et son héritage constituent un trésor que sa mort ne pourrait faire disparaître :
هرگز نمیرد آنکه دلش زنده شد بعشق ثبت ا ست در جریده عالم دوام ما

«N’expire jamais celui dont le cœur reste allumé de flamme d’amour. Ma pérennité est inscrite aux annales de l’existence. »

A la postérité il dit, non sans une certaine préscience :
از سر تربت من چون گذ ری همت خوا ه
که زیارتگه رندا ن جها ن خو ا هد بو د
برو ا ی زا هد خو د بین که ز چشم من و تو
راز این پر ده نها ن ا ست و نها ن خواهد ما ند
Sur ma tombe,
Lors que tu y croise,
Fais un vœu, demande l’entrain,
Car le lieu où je gis,
Sera le pèlerinage,
Des esprits libres.

Regarde- bien ! ô clergé vertueux,
Les mystères derrière ce rideau
Se cachent à jamais de nos yeux.



Annexe I
Hafiz, poète iranien du quatorzième siècle
Note biographique

Parmi les iraniens et d’autres peuples d’expression persane Hafez est connu comme une de plus lumineuses étoiles de leur patrimoine culturel. Au-delà des acclamations littéraires inégalées, sa poésie continue d’être accueillie par les couches populaires avec une aire de magnétisme céleste. Les Iraniens consultent le Divan – le recueil de sa poésie - pour inspiration dans des passages cruciaux de leurs vies.

Il est ainsi à peine surprenant que sa biographie, du même que sa vision et pensée aient fait l’objet d’interprétations contrastées voire de manipulations et distorsions. Les légendes crées autour de sa vie visent à lui accorder des qualités supra- naturelles ou de l’idolâtrer. Une des plus savoureuses de ces fables le présente comme un orphelin démuni qui auditionna en cachette l’école, apprit le Coran par cœur alors qu’il était apprenti chez un boulanger ; Il tomba amoureux d’une femme de la haute société, et rejeté, il se mit en méditation et contemplation jusqu'à une nuit magique où il reçu l’aumône divine : Le don de la poésie.
وش وقت سحر از غصه تجاتم دادند وان د ر آ ن ظلمت شب آ ب حیا تم دا دند د
La veille à l’aube ils m’ont ôté tous chagrins, et dans la pénombre j’ai retrouvé la jouvence.

Des recherches plus poussées ont établi que Hafez fut issu d’une famille de classe moyenne qui veilla à son éducation primaire et sans doute sa formation supérieure, celle-ci sous tutelle d’un maître savant conforme à la pratique de l’époque. Né aux alentours de 1316 à Chiraz, Hafez devint un jeune homme raffiné et érudit sans doute aidé par ses facultés innées. Versé dans la poésie classique arabe et perse, il apprit à réciter le Coran par cœur et, selon certains récits, enseigna l’exégèse du Coran dans un séminaire à Chiraz utilisant un ouvrage du début de quatorzième siècle intitulé Kashaf .

Hafez ne tarda pas à devenir l’un des favoris du roi Cheikh Abu Issak Injou qui lui accorda son patronage et pour qui Hafez aurait éprouvé une authentique affection (voir le texte principal). Injou qui régna depuis Chiraz sur les provinces de Fars, Kirmân et Ispahan entre 1342 à1354, était selon l’explorateur arabe Ibn Batuta un homme de cœur bien aimé par son peuple. D’autres chroniqueurs ont toutefois relevé ces excès d’insouciance, son manque de jugeote politique et son goût pour la débauche. Des ressources précieuses auraient été bradées dans des campagnes militaires vaines contre son rival, Amir Mubarez uddin Mozafar. Celui-ci établira plus tard la dynastie Muzaffarid après qu’il parvint à évincer Abu Issak et de le faire décapiter sur la place publique. Hafez, selon toute vraisemblance, était présent à Chiraz au moment de l’exécution de son patron-mécène et en était peut-être le témoin oculaire. Il écrivit une émouvante élégie pour le roi déchu,qui est traduit dans le texte principal.

Amir Mubarez uddin Mozafar fut un homme outrageusement dur et fanatisé. Il proclama allégeance au Calife exilé au Caire. Celui-ci était pourtant sans pouvoir depuis que, un siècle auparavant, le conquistador mongol Hulagu avait mit fin au Califat à Bagdad. Amir Mubarez établira un régime puritain à Chiraz et, au grand chagrin du poète, ordonna la fermeture des tavernes. Il procéda à conquérir les provinces du Azerbaïdjan et de l’Irak avant d’être arrêté et aveuglé par ses propres fils qui redoutaient le châtiment du souverain pour des fautes qu’ils eurent commises.

Pendant cette période Hafez, aigri, écrivit des poésies pleines de mélancolie et de sarcasme dénonçant l’hypocrisie pieuse des clergés et celle de luminaires sufis.

Shah Shujaa qui remplaça son père entant que roi, restitua Hafez à son ancienne prééminence et lui accorda son patronage. Certains chercheurs, se basant sur l’emploi des mots propres à la bureaucratie dans quelques vers, estiment que sous Shah Shujaa, Hafiz aurait exercé des fonctions administratives (یوانی د). Sans vouloir se prononcer sur ce point, il convient de préciser que dans sa poésie Hafez a traité un large éventail de sujets. Il est connu pour avoir eu des relations avec des gens venants d’horizons fort variés.

Vu ses liens étroits avec le roi Isaak Injou, il semblerait que déjà à son jeune âge Hafiz avait acquis une notoriété certaine. Au fil des années qui suivirent sa renommé s’étendit à des provinces lointaines de l’ancien empire. Selon certains récits il eut été invité par le roi de Deccan à visiter l’Inde; il aurait aussi reçu invitation de la part du Sultan Ahmed Jalayer Ilkhani à visiter Bagdad. Hafez n’était jamais enthousiasmé par les voyages. Le seul déplacement qu’on le connaît avec certitude c’est celui qu’il effectua à Yazd , de suite d’une brouille avec le roi Shah Shujaa. Il semblerait qu’à cette époque il aurait eu aussi des ennuis avec la justice, ce qui pourrait expliquer son absence de deux ans de Chiraz . Le dirigeant de Yazd ne s’avéra pas un mécène généreux et Hafez, déçu et nostalgique, retourna à sa ville natale sous la protection du grand vizir Jallal-uddin Touran-shah. Bien que Hafez parvienne à récupérer la bonne grâce du roi, sa poésie fait état de périodes où il serait désargenté.

La dernière décennie de la vie et de la carrière de Hafez coïncident avec une période d’instabilité, marquée par des conflits irrédentistes. Ceux- ci avaient été accentués par la mort prématurée du Shah Shujaa en 1385. Son héritier au trône Zeinulabedin Yahya n’a pas eu la même carrure que son père et les princes Muzaffarids contestèrent son autorité. Mansûr le neveu du Shah Shujaa qui finira par arracher le pouvoir, régna quelques années à Chiraz mais a dû faire face à un redoutable défi, venant cette fois du conquistador Uzbek Tamerlan (1388-1405). Celui-ci a conquis Chiraz une première fois en 1388 et de nouveau en 1392. La deuxième conquête a eu lieu suite à un combat épique entre le roi Mansûr et l’armée puissante de Tamerlan au cours duquel Mansûr se fait tué après avoir infligé des lourdes pertes aux envahisseurs.

Hafez avait noué des liens amicaux avec le Shah Mansûr mais les guerres, et le rythme rapide des changements le laissèrent sur la paille à sa vieillesse. Le récit de sa rencontre avec le conquérant Ouzbek Tamerlan (voir la note de bas de page10, page 9) porte témoignage à cet état de dénuement tout en miroitant les aléas de fortunes. Paradoxalement cette rencontre est aussi une marque de reconnaissance de l’indice du succès dont jouissait le poète de son vivant. Et pourtant, dans les chroniques de 14e siècle, alors que sa poésie est citée de temps à autre, son nom apparaît rarement.

Ce n’est qu’à partir du 15e siècle qu’il s’est vu accorder une reconnaissance à part entière. Son anthologie, connue comme divan, aurait été compilée par un ami ou disciple, une vingtaine d’année après sa mort, survenu en 1390 . Dans l’introduction de cet ouvrage l’auteur fit certaine allusions aux traits du caractère et du train de vie du poète. Il en ressort que Hafez était un homme affable qui se mêlait avec les riches et les savants autant qu’avec les déshérités et les incultes et aimait côtoyer les jeunes.

Hafez avait une nature tendre et affectueuse; il s’attachait facilement à ceux qui l’entouraient et détestait la malice et la cruauté. Dans un commentaire passager il écrit :
مبا ش در پی آزار و هر چه خوا هی کن
که د ر شر یعت ما عیر ا زین گناهی نیست
Faites ce qui vous plait dans la vie,
Sauf faire du mal à l’autrui!
Des tous péchés qui encombrent la vie,
Il n’y a que ça dans mon édit.

Hafez se maria et eu un fils. Ce n’est pas clair, à quelle étape de sa vie ce mariage a eu lieu, mais l’on sait que sa femme et son fils ont tous les deux trouvés la mort en jeune âge. Hafez évoque ces tragédies affectueusement:
قره العین من آ ن میوه د ل یا د ش باد
که چه آ سان بشد و کار مرا مشکل کرد
آه و فریا د که ا ز چشم حسود مه چرخ
د ر لحد ما ه کمان ا بروی من منز ل کرد
La lumière de mon âme, la perle de mon cœur,
Si soudain fut son départ
Et si lourd mes chagrins,
Regarde bien le ravage du destin,
Le mauvais œil de la lune envieux,
Se jeta sur elle et l’enveloppa du linceul.

Se référant à son fils il écrit :
دلا د یدی که آ ن فرزا نه فرزند
چه دید اند ر خم ا ین طا ق رنگین
بچا ی لوح سیمین د ر کتارش
فلک بر سر نهادش لوح سنگین
As-tu vu le sort qu’a subi mon fils
Sous cette voûte- céleste colorée ?
Au lieu d’une belle à ses côtés,
Ils lui ont remit une pierre tombale sur la tête.

Hafez mourra en 1390 et fut enterré à Chiraz dans le jardin de Mossala dont il avait vanté la magnificence dans sa poésie et qui est connu aujourd’hui, d’après lui, sous le nom Hafezieh.


Annex II
SELECTED BIBLIOGRAPHY
I – Divan’s old manuscripts :


1- Khalkhali manuscript dated 827 H.G ( 1424), private collection, Iran
2- Meraat manuscript circa 827 (1424), private collection, Iran
3- Nakhjavani manuscript early early 15th century
4- Bodleian library manuscript, Oxford, England 843 H.G ( circa1439)
5- Eghbal manuscript ( ninth century H.G (15th century), private collection,Iran
6- Manuscript in Chester Beatty library ( Dublin Ireland) done in 853 H.G (circa1449)
7- Library of the Majlis manuscript ( the lower House of the Parliament), Tehran; dated 854 H.G. (circa 1450)
8- British Museum Library manuscript, London, 855 H.G ( circa1451)
9- Bibliothèque Nationale de Paris, 857 H.G (circa1453)
10- Library of the Majlis manuscript, dated 858 H.G.( circa1454), Tehran
11- Leiden Society Library manuscript Leiden Netherlands , 894 H.G (circa1489)
12- Vienna National Library manuscript, 900 H.G (circa1495), Austria
13- Library of the Majlis manuscript done by Sultan Mohamad Nour, circa 900 H.G (circa1495), Tehran
14- Taghavi manuscript done by Sultan-ali dated 905 H.G (circa1500),provate collection, Iran
15- Ghani (Hindu) manuscript presumed to be fairly recent but copied from an old manuscript; no date. Private collection, Iran
16- Tehran National Library manuscript undated but presumed in great part to be very old,
17- Library of Madressah Âli Sepahsalar, (Sepahsalar Grand Seminary) manuscript dated 917 H.G (circa 1511), done by Monaeem- uddin Ohaadi Shirazi Tehran,Iran.
18- Library of Oriental Languages manuscript, Saint Petersburg, Russia, 939 (1532)
19- Berlin State Library manuscript, Germany, 942 H.G (circa 1535)
20- Cambridge Society Library manuscript, England, 973 (circa 1565)
21- Cairo National Library manuscript, Egypt, 976 circa (1568)
22- Tehran National Library manuscript known as “Alef” presumed 16th century.

II – Other relevant manuscripts

1- Daulatshah Samarghandi b.1487AD. "Taz-kirat-ushu'ara", ( a chronicle of poets, contains a chapter on Hafiz; an English translation has been published by Leeds University Press).
2- Khondamir: “Habibul sayre”, ( contains relatively substantial amount of information on Hafiz) printed from manuscript in Tehran, 1953.
3- Jami, Abdul-rahman Nafahatul Onsse, written in 1476 C.E. ( relates the lives of eminent Sufi personalities and has a significant passage on Hafiz), printed from Manuscript inTehran.
4- Zamkhashri, Jarullah. Kash’shaf; Tafsire Ghoraan karim ( a text book interpretation of Koran which was used by Hafiz possibly for his lectures at Shiraz college), written on early 14th century.
5- Hafizabrou, Shahabuddin Abdullah Tarikh A’al Mozaffar ( a history of Mozzafarid dynasty written in two volumes circa1417 AD).
6- Hafizabrou, Shahabuddin Abdullah, Joghrafiaye Tarikhi, ( Geographic History), manuscript in private collection early 15th century.
7- Zarkoub- Shirazi, Abul-abassas shiraznameh, printed from manuscript in Tehran



III -_Recent Persian language literature on Hafiz

(Unless otherwise indicated all dates are Persian solar calendar. In some of the citations below the name of the publisher or the year of publication is missing.)

1- Afshar, Iraj: divan kohneh hafez, Tehran, 1348
2- Afshar, Iraj: maghaleh shenasi Hafez, Hafez shenasi, 5th vol. Tehran,
3- Alavi, Parto: “bânk’e jarasse: rahnemaye moshkelat divan hafez”; Tehran 1349
4- Anjavi Chirazi, Seyyed- Abolghassem: Divan hafez; Tehran 1345.
5- Bahrul-oulumi, Dr. Hussein in Dr. Rastegar Fassaie ed. “She’er va zendegui Hafez” , Teheran 1350,
6- Bamdad, Mohamad-Ali, Hafez-shenasi, Tehran, 1326
7- Dashti, Ali Naghshi az Hafiz, Tehran Amir Kabir publishing house.
8- Eslami -Nadoushab, Dr. Mohamad –Ali: Majeraye payan napazir hafez; Yazdan publishers, 1368
9- Farzad, Masoud, chand ne’mouneh az matne dorost’e Hafez, Cairo, 1942.
10- Farzad, Masoud, dar jostejouye hafez sahih,3 vol. University of Shiraz press, 1347
11- Ghani, Dr. Ghassem, “bahsse dar âssar va afkâr va ahval hafez: tarikhe asre hafes dar gharne hashtim”; author’s introduction, page SA. Third edition, Zavar publishing house, Tehran 2535 imperial calendar).
12- Ghazvini, Allameh Mohammad and Ghani, Dr. Ghassem: Hafez. Fifth ed. Asatir publishing House, Tehran 1374;
13- Kasravi, Ahmad: Hafez cheh migouyad; Tehran 4th print 1335.
14- Khanlari, Dr Parviz Natel, Ghazahhaye khajeh Hafez Shirazi, Tehran 1337.
15- Khoramshahi,Bahauddin; Hafez-nameh, 2 vol. Tehran 1366; Sourush
16- .Hazhir, Abdulhussien: Tashrih Hafez; Tehran 1343
17- Heravi, Hussien-Ali: Maghalat Hafez, Ketab-Sara publishing house. Tehran 1368.
18- Houman, Mahmoud, Hafez shirazi, edited by Ismaeil Khoei, Tehran 1347,
19- Homayoun-Farrokh, Roknuddin, Hafez kharabati, Tehran 1354.
20- Mallah, Hussien-ali: Hafez va mousighi; honar va farhang pubishing House,
second ed. 1363.
20- Khalkhali, Seyyed Abdulrahim, divan hafez az rouye noskheh khati saneh 827 h.g., Tehran 1306.
21- Mortazavi, Mauchehr, Makatab Hafez ya moghdameh bar hafez-shenasi, Tehran 1344
22- Pezhman Bakhtiari, Hussien, divan lessanul gheib khajeh shamsuddin mohamd hafez shirazi; Ibn Sina publishing house, Tehran 1342.
23- Rajaie,Dr. Ahmad-Ali: Farhangue ashâr Hafez, Zawar publisheres Tehran 1340.
24- Mo’iin, Mohamad: Hafez shirin sokhan; Parvin publishers, Tehran 1319.
25- Riahi, Dr Mohamad –Amin: Golgasht dar sheer va andish Hafez , Elmi publishing house, Tehran 1368
26- Shâmlou, Ahmad, Hafez Shiraz; Tehran 1336.
27- Zarkoub, Dr. Abdulhusien “ Az Kouche’h Rendan” pp.163- 164 . Amir Kabir publishing House Tehran 2536 (imperial calendar).
28- Zaryab Khoei, Dr. Abbas, ‘Aiineh’e djâm: Sharhe moshkelat’e divan Hafez”,

IV – Litterature on Hafiz in English and other languages
1- Arberry, A.H. Fifty poems of Hafiz, Cambridge, 1953,
2- Aryanpur-Kashani,Abbas, Odes of Hafiz, poetical Horoscope, Mazada Publishers, 1884, Lexington, US.
3- Bell, Gertrude Lowthian : The Teachings of Hafez; (first published in1897); E.Denison Ross (Introduction): Octagon Press, 1985 London. Also available on URL: http://www.sacred-texts.com/isl/hafiz.htm
4- Boyce, M.A. Novel Interpretations of Hafiz, BSOAS, 1953.
5- Browne Ebdward G: A Literary History of Persia. 4 vols. Cambridge: Cambridge UK, 1964.
6- Coleman Barks ( Translator) Inayat Khan (Editor): The Hand of Poetry: Five Mystic Poets of Persia: Translations from the Poems of Sanai, Attar, Rumi, Saadi and Hafiz: Lectures on Persian Poetry; Omega Publications; (November 2000).
7- Defrémery C. and BR Sanguinetti eds: The Travels of Ibn Batt`uta A.D. 1325-1354 translated by H.A.R. Gibb. London: Hakluyt Society, 1994
8- Defrémery, Charles in the Journal Asiatique for 1844 and 1845, Paris
9- Dunn, Ross E.: The Adventures of Ibn Battuta : A Muslim Traveler of the 14th Century; University of California Press; Reprint edition (April 1990) University of California Press; Reprint edition (April 1990).
10- Farzad, Masoud, Hafez and his Poems, London 1949.
11- Hillmann, Michael C.: Shamsedin Hafiz, Translated by; IBEX publishers, 1975.
12- Hillmann, Michael C. Unity in the Ghazals of Hafez, Bibliotheca Islamica, Incorporated, 1976
13- Landinsky Daniel , (Translated by)The Gift: Poems by Hafiz the Great Sufi Master. Penguin USA, 1999
14- Malcolm, Sir John History of Persia, Two vol. 1815,
15- Ouseley, Sir Gore 1770-1844, A biographical essay on Hafiz, ( out of print) no citation available
16- Sudi Bosnavi, Ahmad: Commentary on Divan, written circa 1595, Bulagh publishers,Istanbul 1834, (translated into Persian by Dr. Essmat Sattarzadeh).
17- Saberi, Reza , (Translator) : Hafez ; University Press of America;1995’
18- Sykes, Sir Percy, A history of Persia, vol. II, Macmillan 1963, London.
19- Von Hammer-Purgstall, Baron Joseph (1774- 1856.) "Divan of Hafiz” Stuttgart and Tübingen, 1812-13).
20- Wiberforce-Clarke, Henry: Hafez, IBEX publishers, 1997, US
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